Traçabilité des achats d'équipements numériques
Épisode 74 publié le 14/02/2023
Brigitte Demeure et Malika Kessous
Dans cet épisode, nous recevons deux actrices de la traçabilité de l'approvisionnement des équipements numériques.
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Dans cet épisode, nous recevons deux actrices de la traçabilité de l'approvisionnement des équipements numériques :
- Brigitte Demeure, représentante d'Electronics Watch en France.
- Malika Kessous, cheffe du bureau des achats responsables à la Direction des Achats de l'État.
Sommaire
- Brigitte - Quel est ton parcours personnel ?
- Quelles sont les activités de Electronics Watch ?
- Que signifie le devoir de vigilance ?
- Quels sont les problèmes environnementaux et sociaux liés à l'approvisionnement d'équipements numériques ?
- Violence physique envers les militants
- Passivité des constructeurs
- Seulement le domaine d'électronique qui pose des problèmes ?
- Quels sont les problèmes à résoudre et les cadres qui devraient être mis en place pour une meilleure traçabilité de l'approvisionnement ?
- Existent-ils des labels ?
- Malika, Quel est ton parcours personnel ?
- Qu'est ce que la Direction des Achats de l'Etat et quel est ton rôle au sein de cette institution ?
- Quelles sont les actions de l'Etat pour des achats numériques responsables ?
- Pourquoi la Direction des Achats de l'Etat s'est affilié à Electronics Watch ? Et comment se passe le processus ?
- Comment favoriser des produits durables dans un contexte ou le prix a autant de poids lors des appels d'offre publics ?
- Pourquoi l'Etat n'achète pas massivement de Fairphone ?
- Où en sont-ils pour identifier une filière de l'achat reconditionné pour le public ?
- Brigitte - Perspectives concernant l'amélioration de la traçabilité ?
- Malika - Perspectives concernant l'amélioration de la traçabilité de l'approvisionnement des équipements informatiques de l'Etat ?
En savoir plus
- Articles de Brigitte Demeure sur GreenIT
- Good Electronics Network
- Guide achat numérique responsable
- Respect des droits de l’homme au travail : un guide pratique pour les acheteurs publics
- Artisans du monde
- Éthique sur l'étiquette
Transcription
Extrait
Et sont concernées toutes les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes, ainsi que l'environnement. La limite de cette loi, c'est que les plaignants doivent apporter la preuve des violations. Donc il faut aller au tribunal, et en France, ça prend des années.
Introduction
Nous allons aujourd'hui parler d'un sujet qui peut-être un peu moins visible, ce sont les questions sociales liées à l'approvisionnement, la traçabilité de l'approvisionnement des équipements numériques. Donc à la fois l'extraction minière, mais aussi la fabrication, l'assemblage des équipements, jusqu'à ce que les équipements numériques arrivent chez nous, dans nos poches, dans nos bureaux.
Et avec nous, pour parler de ces sujets, Malika Kessous, cheffe du bureau des achats responsables à la Direction des Achats de l'Etat. Également avec Brigitte Demeure, qui est représentante en France d'une ONG qui s'appelle Electronics Watch.
Brigitte, avant d'aborder tous ces sujets, quel est ton parcours personnel ? Qu'est-ce qui t'a amené à travailler sur ces sujets ?
Brigitte : Avant de parler de mon parcours, une petite précision : Electronics Watch n'est pas une ONG au sens habituel du terme mais une fédération internationale d'acheteur public. J'en parlerai un peu plus longuement.
Mon parcours personnel : j'ai travaillé pendant plus de 25 ans dans le commerce international et, parallèlement, j'étais active dans les associations liées au développement dans les pays du sud global, dont une association s'appelle ActionAid peuples solidaires, activité grâce à laquelle, j'ai découvert les conditions de travail dans l'industrie électronique. Et depuis, je suis membre du réseau GoodElectronics network qui est basé aux Pays-Bas, depuis 2008. Et je suis advisors de la SACOM, Students and Scholars Against Corporate Misbehavior, les étudiants et les universitaires contre les abus des entreprises, basée à Hong Kong depuis 2008 également, et contributrice au site GreenIT.fr
J'ai collaboré avec des ONG européennes dans un programme financé par l'UE, l'Union Européenne qui visait à introduire des critères sociaux et environnementaux dans des appels d'offres publics pour l'achat d'ordinateurs, un programme qui s'appelait Procure IT Fair, qui s'est terminé il y a une dizaine d'années. Des critères sociaux et environnementaux ont été introduits pour un gros appel d'offres du CNRS, en lien avec différentes universités européennes et j'ai été, à ce titre, membre pendant plusieurs années du groupe EcoInfo du CNRS.
J'ai ensuite repris des études universitaires avec un master 2 en négociation interculturelle et un doctorat d'histoire qui devrait publier dans quelques mois. Et depuis 2019, je travaille pour Electronics Watch en tant que représentante en France et traductrice. Ma mission a été de trouver des affiliés en France, ce qui a été fait avec la Direction des Achats de l'Etat.
Quelles sont les activités et objectifs d'Electronics Watch ?
Brigitte : Electronics Watch reprend là où se situaient les limites du programme européen, Procure IT Fair, qui visait à introduire des critères sociaux et environnementaux dans les appels d'offres d'achat d'ordinateurs, mais rien n'avait été prévu pour le contrôle de l'exécution de ces critères. Et c'est à la réalisation de cet objectif que travaille Electronics Watch. Ce travail a pour moteur, les ouvriers des usines, c'est-à-dire que ce sont les ouvriers qui font état à Electronics Watch de leurs préoccupations des violations du droit du travail qu'ils constatent, et puis aussi dans l'environnement, et à partir de cela, des rapports sont établis par nos partenaires de monitoring qui représentent les ouvriers. Et ces rapports remontent à la direction d'Electronics Watch qui peut négocier avec l'industrie pour remédier aux violations.
J'ai découvert en préparant cet épisode de podcast, en échangeant également avec toi en amont de l'enregistrement, le devoir de vigilance. Comment tu peux définir ce devoir de vigilance ?
Brigitte : Le devoir vigilance a été introduit dans une loi qui était une loi pionnière en 2017 en France. Cette loi concerne les entreprises établies en France qui emploient au moins 5000 salariés en France ou 10000 dans le monde. Cette loi s'applique aux activités de l'entreprise elle-même, des sociétés, qu'elle contrôle, directement ou indirectement, des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenu une relation commerciale établie. Elle couvre tous les secteurs d'activité et a un large domaine d'application. Et sont concernées toutes les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes, ainsi que l'environnement. La limite de cette loi, c'est que les plaignants doivent apporter la preuve des violations. Donc il faut aller au tribunal, et en France, ça prend des années.
Il y a une nouvelle loi qui a été adoptée en Allemagne depuis janvier 2023. Elle s'applique aux entreprises de plus de 3000 salariés en 2024 et s'appliquera aux entreprises de 1000 salariés, mais elles ne s'appliquent qu'aux sous-traitants directs. En Angleterre, depuis 2015, il existe une Anti-Slavery Act. Au niveau européen, il existe un projet de directive depuis 2022, qui n'a donc pas encore été publiée, mais c'est en négociation. Et aux USA il existe depuis 1930 un Tarif Act et qui a été renouvelé par Barack Obama pendant son mandat. Et ce qui implique ce qu'on appelle la Customs Border Protection, peut saisir la marchandise ou exclure des marchés américains les marchandises qui ont été reproduites dans des conditions d'esclavage moderne.
Ce que j'aimerais aborder plus précisément, c'est le problème des travailleurs migrants qui doivent souvent payer des frais de recrutement très élevé. Je vais partir d'un exemple qui a fait l'objet d'articles dans la presse étrangère. Je ne vois pas trop d'articles en France en ce qui concerne ce problème. Je lis le Monde ou le Monde Diplomatique tous les jours, peut être c'était dans d'autres médias...
Je vais expliquer le cas, par exemple, de travailleurs vietnamiens qui ont voulu travailler à Taïwan. Ce problème de frais de recrutement ne s'applique pas seulement à l'industrie électronique, mais ça concerne toute l'industrie et ça peut concerner aussi l'agriculture. Ces migrants qui ont décidé de travailler à Taïwan ont dû payer plus de 6000 dollars souvent, soit trois à quatre ans de salaire minimum au Vietnam. Pour payer cette somme, ils ont dû s'endetter avec des taux usuriers. Ou bien s'ils avaient, par exemple, des terrains ou des maisons, ils ont dû prendre des hypothèques sur ces biens. Ils ont dû également payer des cautions à hauteur, par exemple, de 1000 dollars qui ne leur serait pas remboursé, au cas où ils rompent leur contrat de travail. De leur salaire ont été retirés 10% pour le logement et la nourriture.
D'autres qui travaillaient en Serbie et qui étaient obligés de chasser des lapins dans les forêts voisines, pour pouvoir manger. Je reprends l'exemple des travailleurs vietnamiens : les agences de recrutement leur prélevait 6 à 7% directement sur leur compte en banque. On leur confisquait leur passeport. On leur infligeait des amendes pour avoir enfreint les règles des dortoirs ou des usines. Ou bien pour avoir enfreint le couvre-feu, couvre-feu qui était plus strict pour eux que pour les nationaux.
Ils étaient donc obligé de travailler pour rembourser les dettes qu'ils avaient prise pour payer les frais de recrutement. Il est fréquent qu'ils travaillaient pendant plus de 12 heures. Et, surtout, ce qui les intéressait en plus, c'était de faire des heures supplémentaires pour leur rembourser les dettes.
Quant ils subissaient des accidents de travail, la majeure partie des frais leur étaient facturés. On leur demandait aussi de signer des documents vierges à l'entrée, au départ.
Un autre exemple: ce sont des jeunes qui travaillaient au Japon et qui travaillaient pendant plusieurs années comme stagiaire, et qui ont payé les recruteurs jusqu'à concurrence de la 5300 dollars.
Les clients finaux étaient alertés sur ces problèmes et il se trouve qu'un fournisseur taïwanais a remboursé récemment 750000 dollars de frais de recrutement. Une autre grosse marque d'électronique, qui a exigé de ses fournisseurs taïwanais qu'ils mettent en œuvre des politiques de frais de recrutement nul, mais qui identifient encore des cas de travailleurs étrangers payant des frais. Jusqu'à présent, cette marque a demandé à ses fournisseurs de rembourser 33 millions de dollars à plus de 37000 travailleurs.
Dans les États du golfe à l'Asie du sud-est, des centaines d'entreprises ont remboursé des centaines de millions de dollars à plus de cent mille travailleurs.
Mais parfois donc, les moteurs du changement viennent de l'industrie elle-même. La Responsible Business Alliance (RBA) laquelle Electronics Watch travaille pour améliorer les conditions de travail et de recrutement, est la plus grande alliance industrielle au monde dans son domaine, l'électronique et l'automobile. Elle exige que ses membres s'engagent à un recrutement éthique et un remboursement des frais dans les chaînes d'approvisionnement. Elle a fait auditer des dizaines d'usines ce qui est probablement l'effort le plus important de toute initiative multipartite.
Ces dettes de recrutement ne sont pas rares en Asie : selon une enquête récente de l'OIT, 27,6 millions de personnes dans le monde sont touchées par cette forme d'esclavage moderne et la tendance est à la hausse. Et plus de la moitié d'entre eux vivent en Asie.
C'est donc un très gros problème en ce qui concerne la transparence des chaînes d'approvisionnement puisqu'il faut absolument réussir à cerner ce problème et à trouver des solutions. Il existe des lois qui sont promulguées dans certains pays, comme au Vietnam, par exemple, très récemment, depuis l'an dernier, mais il faut aussi trouver le moyen pour les faire appliquer au niveau mondial, au niveau de toutes les industries et au niveau de l'agriculture.
Tu parlais de l'OIT, l'Organisation Internationale du Travail. Tu as parlé beaucoup des impacts sociaux. Est-ce que vous vous occupez aussi des impacts environnementaux liés à l'approvisionnement ?
Brigitte : En ce qui concerne les impacts environnementaux, c'est surtout les produits chimiques qui sont utilisés pour les ordinateurs et qui affectent les ouvriers et les ouvrières eux-mêmes. Mais aussi dans tout ce qui concerne l'extraction minière. En particulier, par exemple, aux Philippines, l'extraction du lithium pollue l'eau et les terres des communautés voisines. C'est un vrai problème. Electronics watch a lancé un programme sur les véhicules à faibles émissions, qui concerne les sites d'extraction minière, non seulement pour les problèmes sociaux mais aussi donc les problèmes environnementaux.
Vous avez eu un militant sur place qui a été assassiné ?
Brigitte : Je ne sais plus si c'était aux Philippines, effectivement, il y a un partenaire qui a été assassiné suite aux découvertes qu'il avait fait, et c'est un vrai problème pour beaucoup de syndicats et de syndicalistes dans les régions de production, qui sont intimidés, jusqu'à la violence physique.
Ce manque de transparence est voulu de la part des constructeurs, des éditeurs et vendeurs de produits, ou c'est juste qu'ils n'ont pas envie de s'occuper de ce sujet ? Est-ce que c'est volontaire ou involontaire ?
Brigitte : C'est une certaine passivité, on va dire ça comme ça. Mais ça peut être aussi volontaire. Dans la loi sur le devoir vigilance française, cette loi implique un plan de vigilance et ce plan doit inclure une cartographie des risques sociaux et environnementaux. Ce qui implique une certaine transparence.
Il y a une grosse entreprises française, qu'on ne peut pas ici citer le nom, mais qui refuse de publier cette cartographie des risques sociaux et environnementaux. Pour rétablir la transparence, la question de la transparence, c'est le sujet numéro un d'Electronics Watch. Parce que il faut pouvoir établir un lien entre l'objet du marché, par exemple l'ordinateur sur lequel les acheteurs publics travaillent, et les usines qui fabriquent ces ordinateurs ou les sites miniers qui produisent les minéraux nécessaires à la fabrication des objets du marché. La question est de pouvoir faire la traçabilité entre l'ordinateur, les usines et les sites miniers. Et pour cela, les conditions d'Electronics Watch demandent aux attributaires du marché, c'est-à-dire aux fournisseurs de faire une liste de toutes leurs sous-traitants, leurs sous-traitants du niveau un, deux, trois jusqu'en au plus bas. Sachant que ce n'est pas toujours possible parce que, d'une part, les sous-traitants peuvent changer pendant la durée du marché et, d'autre part, ils ne les connaissent pas toujours.
Electronics Watch se base aussi sur un travail qui a été effectué depuis très, très longtemps par beaucoup d'ONG en Europe et dans les pays de production. Il y a une connaissance fine qui est déjà établie par ces ONG sur les usines qui fabriquent nos produits.
Pour parler de l'achat responsable, de la traçabilité des approvisionnements en équipements, nous avons aussi la chance d'avoir avec nous Malika Kessous, cheffe du bureau des achats responsables à la Direction des Achats de l’État. Peux-tu nous parler de ton parcours personnel. Qu'est-ce qui t'a amené jusqu'aux achats responsables au niveau de l'Etat ?
Malika : De formation, je suis ingénieur agronome et quand j'ai fini mon ingéniorat, j'ai fait un troisième cycle en développement de projets de développement dans les pays du sud.
Et j'ai travaillé pendant environ une dizaine d'années en ONG, et plus particulièrement dans des associations de commerce équitable. Dès cette période-là, j'ai été très sensible et très intéressé par les questions de consommation éthique, de questions de traçabilité sociale, qualité environnementale de ce que nous consommons.
Et après cette expérience en milieu associatif, guidée par l'intérêt général, en tout cas, c'est ça qui m'intéressait, j'ai rejoint la fonction publique, d'abord territoriale. J'ai travaillé pendant quelques années sur des questions d'éco-responsabilité de l'administration, ce qu'on appelle l'Agenda 21 des services, puis sur la politique d'achat d'une direction des bâtiments et de la logistique et qui représentait environ 80% des achats de la collectivité en question. J'étais chef du bureau politique achat et, à ce titre-là, j'ai travaillé sur des questions d'achat responsable, de relation fournisseurs et prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux.
À la suite de cette première expérience dans la fonction publique, qui, pour moi, était très intéressante parce que on arrivait à mobiliser des leviers très opérationnels, tels que les volumes d'achats qui sont consacrés par les marchés publics, j'ai rejoint la Direction des Achats de l’État pour travailler sur la politique des achats responsables de l’État. Donc un peu sur la même thématique, mais avec une envergure plus importante.
D'abord parce que le périmètre est beaucoup plus large, puisqu'il s'agit de travailler sur l'ensemble de la politique achat des ministères et des établissements publics sous tutelle des ministères. Et puis sur un un positionnement, on va dire, un peu stratégique, puisqu'il s'agit de réfléchir aux orientations qu'on peut mettre derrière ce qu'on appelle les achats responsables. Donc, quels types de politiques publiques nous souhaitons porter au travers du levier de la commande publique et de la dépense associée, politiques publiques dans le champ social et environnemental. Puis, comment mettre ça en œuvre de manière très concrète, opérationnelle, dans les marchés publics, pour faire en sorte que ces marchés soient autant que possible les plus exemplaires possibles en matière environnementale et sociale.
Dans cette approche un peu de transversales, comment animer la démarche en direction des ministères et des établissements publics, comment la piloter, comment définir des objectifs et suivre les résultats, et comment accompagner les acheteurs pour que chacun puisse s'approprier les grands enjeux des achats responsables. Et, de manière très concrète et opérationnel, l'intégrer dans les marchés.
Quand on parle d'achat responsable, c'est important, à mon sens en tout cas, de toujours faire le lien entre objectifs stratégiques : quels enjeux nous recherchons, pourquoi ? Pourquoi ça fait sens ? Et puis, concrètement, comment on fait quand on prend la plume et qu'on rédige un marché.
Concrètement, notre sujet dans ce podcast, c'est plutôt les technologies, en l'occurrence plutôt numériques. Quelles sont les actions de l’État, de la Direction des Achats de l’État, pour des achats numériques responsables ?
Malika : D'abord, quelle est la réflexion de l’État sur l'importance de prendre en compte des enjeux environnementaux et sociaux dans les achats numériques. Et le deuxième volet de ma réponse va concerner des marchés interministériels, qui sont portés par la DAE et dans lesquels on intègre concrètement les considérations sociales et environnementales. Sur la première partie de ma réponse, quand on prend en compte ces politiques ? Toute l'action de la DAE, c'est bien d'identifier les segments d'achats pour lesquels il y a des impacts environnementaux suffisamment importants pour faire l'objet de recommandations interministériels, pour faire l'objet d'une attention particulière. C'est le cas de l'IT. Notamment, je dis bien notamment, mais ça ne remonte pas à cette période, avec la crise covid qu'on a tous connu, la multiplication du télétravail, donc la multiplication des besoins des acheteurs de disposer de matériels informatiques pour pouvoir travailler depuis leur domicile, donc une augmentation importante des volumes de consommation en matériels informatiques. En solutions également pour pouvoir continuer à travailler à distance que ce soit. Des solutions de visioconférence, audioconférence, la possibilité de s'échanger des fichiers... On voit bien qu'il y a une explosion de l'usage du numérique et que, donc, le poids des achats de l’État en la matière sont importants.
C'est pour ça qu'on considère que, dans le numérique, les enjeux environnementaux et sociaux, sont un axe important de la politique d'achat responsable de l’État. Avec la crise covid, tous ces éléments et le poids de cette famille d'achat est apparu vraiment comme étant très important. Mais quand on parle d'achat numérique notamment, je pense au matériel, on parle de produits qui sont fabriqués à l'autre bout du monde et pour lesquels nous, acheteurs publics, on a peu de moyens de maîtriser les chaînes d'approvisionnement.
Cette question de la faible maîtrise des chaînes d'approvisionnement associée à la réputation défavorable en matière de respect des droits de l'homme au travail qu'il peut y avoir dans certains secteurs d'activité nous ont conduit, dès 2016, à nous interroger sur les questions de traçabilité sociale des chaînes d'approvisionnement. Et donc d'intégrer dès lors, dans les marchés,des questionnaires pour avoir une information la plus claire, la plus fiable possible sur cette traçabilité, en essayant de remonter le plus loin possible dans les filières, depuis l'extraction des matières jusqu'à la livraison du produit fini.
Et ces réflexions générales, qui sont de l'ordre stratégique, on le retrouve également dans les réflexions, la contribution qu'on a pu avoir à la DAE en tant que représentant de l’État acheteur dans l'élaboration des différents textes qui portent beaucoup d'évolution et d'obligations nouvelles pour les acheteurs. Je pense par exemple à la loi AGEC, relative à l'anti-gaspillage et pour l'économie circulaire, avec l'achat de produits issus du réemploi et de la réutilisation, dont les matériels informatiques.
Sur le volet un peu plus opérationnel, concrètement, dans les marchés qui sont portés par la DAE qui sont de gros marchés interministériels, certains sont les plus gros marchés européens, nous intégrons systématiquement des considérations environnementales et des considérations sociales en mixant des exigences qu'on inscrit au marché, donc des obligations pour lesquelles aucune réserve ne peut être émise, et des critères d'attribution quand on mène le sourcing et qu'on voit qu'on peut mettre un critère pour essayer de différencier les offres qui seraient les plus vertueuses, les mieux disantes sur les enjeux environnementaux ou sociaux que nous recherchons.
Je précise que nous avons eu un échange en décalé avec Brigitte Demeure. Elle nous a parlé en long et en large des problèmes liés à la traçabilité et la transparence des fournisseurs. Pourquoi la DAE, la Direction des Achats de l’État, s'est affilié à Electronics Watch. Quels sont les objectifs de cette affiliation et comment se passe le processus d'affiliation ?
Malika : La DAE s'est affilié au mois de juin 2022 à Electronics Watch. Cela faisait deux ans qu'on réfléchissait, qu'on analysait la possibilité de nous affilier. Cette affiliation nous intéresse beaucoup parce qu'elle traite de la traçabilité sociale des chaînes d'approvisionnement des matériels informatiques qui, comme je le disais tout à l'heure, sont des matériels qui sont issus de chaînes mondialisées, complexes, qu'il est compliqué de démêler, qu'il est compliqué de rendre transparent pour avoir l'information qui peut nous intéresser, nous, en tant qu'acheteur public. Et Electronics Watch nous a démontré tout son sérieux dans le travail que mène cette association sur les filières d'approvisionnement des matériels informatiques, sur la traçabilité, sur l'information, sur le dialogue qu'elle engage avec les fabricants et les metteurs sur le marché de ces matériels pour avoir davantage d'informations et pour engager des actions d'amélioration quand des situations de non respect des droits de l'homme au travail sont observées, sont documentés, sont avérés.
En tant qu'acheteur public, nous sommes responsables de ce que nous achetons et si on travaille sur les achats responsables, bien sûr, une des premières considérations, c'est bien de pouvoir s'assurer, du mieux que nous pouvons, que les biens et les produits, les services que nous achetons sont fabriqués, conçus dans des conditions qui respectent les standards internationaux en matière des droits de l'homme au travail, standards qui sont des conventions ratifiées par de très nombreux pays. La plupart des pays les ont ratifiées.
Donc travailler avec Electronics Watch nous permet dans les marchés de matériels informatiques, d'aller plus loin que ce que nous avions commencé à faire en 2016 en matière de traçabilité sociale.
Electronics Watch est constitué d'affiliés qui sont des acheteurs publics. C'est pour nous un gage de sérieux, d'indépendance, de reconnaissance du travail qui est fait par cette association et deux acheteurs publics, notamment dans les pays du Nord ou à Barcelone ou d'autres pays européens sont affiliés depuis de nombreuses années et ont pu faire progresser la question de la traçabilité sociale dans leur marché informatique.
L'idéal pour nous serait que nous puissions faire la même chose sur d'autres segments d'achat, mais pour l'instant, ce sont des marchés informatiques. Et on espère vraiment que dans les marchés sur lesquels nous travaillons, nous irons plus loin que ce que nous faisons actuellement et nous aurons des éléments qui nous permettront d'attester des progrès auquel nous aurons pu, à notre modeste échelle, contribuer à avoir en matière de respect des droits de l'homme au travail.
D'ailleurs cette question de la traçabilité sociale, nous intéresse beaucoup. Nous avons publié un guide qui est disponible sur le site de la DAE, guide qui traite spécifiquement de la question de la prise en compte des enjeux du respect des droits de l'homme dans les chaînes d'approvisionnement des marchés publics et les recommandations que nous formulons dans ce guide sont valables pour tous les marchés, y compris pour les marchés informatiques.
Et sur les marchés informatiques plus particulièrement, j’élargis un peu, nous avons participé, aux côtés de la Direction interministérielle du numérique et d'autres acteurs, à la publication d'un guide sur l'achat numérique responsable. C'est un guide très pratique, très opérationnelle qui décline, pour les différentes familles d'achats que nous avons traité, des fiches pratiques pour les acheteurs. Ce guide est disponible sur le site de la direction interministérielle du numérique et, bien sûr, au-delà des aspects environnementaux que nous avons traités dans ce guide et dans les différentes fiches, nous avons également traité la question de la traçabilité sociale des matériels achetés dans le cadre des marchés publics, en donnant des exemples de questionnaires, de grilles et en expliquant comment on peut rédiger une clause relative au devoir de vigilance dans les chaînes d'approvisionnement.
J'ai une question d'un auditeur de la communauté Techologie, qui te demande comment favoriser des produits durables dans un contexte où le prix a autant de poids lors des appels d'offres publics. Est-ce que est-ce que le niveau de pondération, enjeux environnementaux, sociaux, est plus important que le prix, ou cela reste quand même le prix, le facteur premier ?
Malika : Les enjeux environnementaux et sociaux sont très rarement, voire jamais, je peux l'affirmer, plus important que le prix. Pour différentes raisons. D'abord, sans être trop technique, quand on passe un marché public et qu'on met des critères d'attribution qui nous permettent de noter les offres sur un certain nombre d'attendus de l'acheteur en qualité technique, en prix, en qualité environnementale, en qualité sociale, il faut que ces critères soient proportionnées à l'objet du marché. J'achète, mettons, du matériel informatique : mon but en premier, c'est d'avoir un ordinateur. Mon besoin secondaire, même si c'est très important, c'est d'avoir un ordinateur qui répond à certaines caractéristiques environnementales et sociales. Si j'avais un critère environnemental ou social, qui serait majoritaire, je noterai les offres de manière disproportionnée par rapport à mon besoin, plutôt que d'être sur le critère prix ou le critère technique.
Néanmoins, les recommandations que nous formulons à la DAE que nous adressons à l'ensemble des acheteurs qui sont dans notre périmètre d'intervention, c'est-à-dire l'ensemble des ministères, sur tout le territoire national, et des établissements publics sous tutelle de ces ministères, c'est de pondérer un critère environnemental ou un critère social, à un minimum de 10% de la note totale d'attribution du marché. Notre recommandation, c'est que en deçà de ce pourcentage, le critère n'est pas discriminant. Il ne permet pas de récompenser les entreprises les plus vertueuses, et qu'il ne porte pas la performance recherchée par l'acheteur. C'est un point important sur la question de la pondération et de la proportionnalité.
En moyenne le critère prix, il est entre 40 et 45% de la note totale d'attribution du marché. Donc il n'est pas non plus majoritaire. Et ce critère prix il est quand même important parce que, dans les règles de la commande publique, on parle de choix des offres économiquement les plus avantageuses. Cette question du critère prix reste importante parce que la dépense publique, c'est de l'argent public, donc, notre rôle, c'est aussi d'utiliser l'argent public avec parcimonie. Il est question de responsabilité et de ne pas aller vers de la gabegie.
Après, des critères environnementaux et sociaux peuvent chacun monter à 20%, 25% de l'attribution d'un marché. Mais un critère majoritaire, ça ne me semble pas tenable juridiquement parlant.
Sur la conciliation entre comment l'acheteur peut faire entre toutes les injonctions qui lui sont faites, d'avoir des achats les plus propres possible socialement et sur le plan environnemental, et en même temps faire des économies et agir dans le cadre d'un budget contraint, il y a une notion très importante, qui est l'approche en coût global. C'est-à-dire que quand on achète un produit, il ne suffit pas de s'arrêter au prix facial, de choisir le moins cher parce qu'on aurait mis un critère prix très important, mais bien de se poser la question de la qualité de cet achat, de la durée de vie, par exemple, du produit, du nombre de réparations, de maintenance qui seront nécessaires. La durée de vie, nombre de réparations et de maintenance, qui sont directement relié à la qualité intrinsèque d'un produit.
Si je prend le cas des produits éco-labellisés, par des écolabel officiels, comme l'écolabel européen ou les équivalents nationaux qui peuvent être Ange Bleu, Nordic Swann, par exemple, ce sont des produits qui sont labellisés selon une approche de cycle de vie qui identifie les principaux impacts environnementaux et qui les prend en compte dans le référentiel du label. Mais ce sont tous des produits qui sont de très bonne qualité. Parce que, justement, on sait que le lien entre qualité, durabilité d'un produit et performance environnement, sont liés.
Donc la question du surcoût, entre guillemets, de produits qui serait de meilleure qualité environnementale, n'est pas automatique. Puisque, selon certaines familles d'achats, on peut avoir des produits éco-labellisés au même prix que les produits non éco-labellisés. Et, deuxièmement, dans une approche coût global, elle peut s'avérer plus intéressante pour des produits écologiques, écolabellisés donc, que pour des produits conventionnels.
Et quand il y a un surcoût, il faut bien estimer ce dernier. Peut-être que le surcoût n'est pas suffisamment important pour justifier le fait d'aller au moins coûtant.
Pourquoi l’État ne s'approvisionne pas en téléphone de type Fairphone. Parce que Fairphone est connu pour les deux sujets, à la fois pour les considérations environnementales, parce qu'il propose un smartphone réparable, et pour les enjeux sociaux, parce qu'ils font attention sur l'approvisionnement en ayant des prix équitables, en rémunérant de manière équitable les assembleurs et les employés de l'autre côté du monde.
Malika : Si je ne me trompe pas, je me rappelle qu'il y a quelques années, nous avions mené un sourcing dans le cadre du marché de fournitures en téléphonie mobile et nous avions rencontré Fairphone. Il me semble qu'à l'époque je ne veux pas me tromper et dire une bêtise sur un podcast qui sera écouté par des millions d'auditeurs, n'est-ce pas ? Il me semble que le volume de l'offre ne correspondait pas aux besoins que nous avions dans ce marché interministériel. Mais il faudrait recreuser de toute façon. C'est effectivement une offre qui est tout à fait intéressante et qui, pour le coup, est 100% responsable.
Et pour le prochain marché, nous verrons, bien sûr, comment on peut ou non acquérir des téléphones Fairphone. Est-ce que les toutes les fonctionnalités techniques répondent aux besoins techniques tels que sont exprimés par l'acheteur ?
Est-ce que l’État, son rôle, est de privilégier justement les constructeurs qui sont déjà exemplaires ? Effectivement, Fairphone n'a peut-être pas la la taille pour subvenir aux besoins de l’État français. Mais est-ce que l’État ne devrait pas pousser les autres constructeurs à aller vers le modèle de type Fairphone ?
Malika : C'est ce qu'on essaye de faire, c'est bien le sens de la politique d'achats responsables de l’État. C'est ce qu'on essaye de faire quand on travaille sur des marchés qui sont importants et qu'on intègre un niveau d'exigence élevé sur le plan environnemental et social, ça fait bouger également l'offre des constructeurs. On en est conscient quand on a un volume d'achat qui est important sur des marchés qui, parfois, je te le dis, sont les plus gros marchés européens.
Je prends le cas de notre marché de location de solutions d'impression, ce sont les gros copieurs d'étage : c'est le plus gros marché européen. Et c'est un marché qui dure quatre ans qu'on a renouvelé il y a environ deux ans pour la troisième fois. Cela fait trois fois quatre ans. Et entre la première fois et là, le dernier marché qui est en cours d'exécution, on en a beaucoup augmenté le niveau d'exigence et on a fait un sourcing, on a échangé avec les constructeurs, les metteurs sur le marché qui se sont alignés à ce besoin là. Donc, c'est une façon aussi de faire évoluer, et c'est ce qu'on essaie de faire dans tous nos marchés.
Si vous nous proposez des produits qui sont de meilleure qualité environnementale ou sociale, cela va compter, dans la note d'analyse du marché et dans l'attribution du marché. On essaye de le faire sur tous les segments d'achat pour lesquels la DAE porte les marchés interministériels.
Il y a le sujet aussi dans le cadre de la loi AGEC, le fait que l’État et les collectivités doivent acheter pour 20% des montants d'achat en équipements réemployés, reconditionnés ou issus du recyclage, ou contenant des matières recyclées. Où en est-on de ce sujet ?
Malika : C'est un sujet sur lequel on travaille. Cela rejoint un peu la question que tu me posais quand tu me disais: mais que fait l’État pour pousser les entreprises à améliorer leurs pratiques ? est-ce que notre rôle c'est, entre guillemets, favoriser, même si on n'aime pas ce terme, en termes de marchés publics, en tout cas appuyer les entreprises les plus vertueuses, typiquement sur l'offre en matériels reconditionnés, notamment dans le domaine IT, c'est un sujet qu'on creuse depuis longtemps, notamment en échangeant avec les acteurs de l'économie sociale et solidaire implantés en France et qui développent cette offre là.
On n'a pas encore conclu de marché. Il y avait des questions de sécurité informatique à bien valider. Un marché issus du reconditionnement : est-ce qu'on est sûr de sa sécurité informatique, avec tous les risques d'intrusion qu'on peut connaître ? C'est en train d'être validé.
Et le deuxième point, c'est l'état de l'offre. Il y a 17 familles d'achat qui sont concernées par l'obligation de la loi AGEC. L'état de l'offre des opérateurs économiques, en France n'est pas au rendez-vous. Si on devait appliquer les obligations de 20% d'achat, par exemple, de mobilier issu du réemploi, de la réutilisation, on se bute à une offre qui est encore trop balbutiante. Et dans le domaine IT, c'est pareil. On prend le cas de la téléphonie reconditionnée, il n'y a pas beaucoup d'offres, voire très peu. Et sur des gammes de produits qui, peut-être, ne sont pas en rapport avec les volumes les plus importants qui sont consommés par l’État. C'est-à-dire le moyen de gamme, et non pas uniquement du haut de gamme.
En réalité, l'acheteur public a beaucoup de responsabilités. Je le vois depuis le temps que je travaille à la DAE, ça va faire 8 ans, que les acheteurs sont de plus en plus intéressés par ces questions, veulent mettre en place des choses que, bien sûr, on a encore pleins de choses à faire pour monter en maturité et en expertise. Mais dans l'écosystème, on n'est pas tout seul. On invite vraiment tous les opérateurs économiques à améliorer leurs pratiques. C'est autant d'éléments de différenciation pour leur offre. Au moins qu'l y ait cet intérêt économique de la part des opérateurs.
Quand l'offre n'est pas au rendez-vous, c'est compliqué de passer un marché et c'est compliqué pour un acheteur d'avoir ce qu'on appelle un marché infructueux. Ça veut dire qu'il passe un marché et personne ne répond. Il faut qu'on soit très prudents dans la façon dont on intègre ces enjeux là, parce que on ne veut pas non plus desservir tout l'intérêt des achats responsables et donc conduire des acheteurs se retrouver sans offre lors d'un marché responsable. C'est très important vraiment de calibrer le besoin et de calibrer le niveau d'exigence associé pour aboutir à un marché qui a attribué, avec le niveau d'exigence tel qu'on la définit et pourquoi pas, dans le cas de l'exécution du marché, des plans de progrès qui peuvent être proposés par les entreprises.
Ce qui est certain, c'est que à la DAE, chaque projet qui est porté, qui est piloté, qui fait l'objet d'un marché, est expertisé sur ses aspects environnementaux et sociaux, pour savoir quelle typologie d'enjeux doit-on adresser dans le cadre de ce segment d'achat, jusqu'à quel niveau d'exigence on peut aller, et donc on est en capacité de justifier le fait qu'on ait pris en compte, à un niveau plus ou moins fort, des considérations environnementales ou sociales. Mais en tout cas, on le fait systématiquement au bureau Achats Responsables, parce qu'il en va de l'exemplarité de l’État, parce qu'il en va de notre responsabilité et puis parce que, sur des marchés de cette dimension-là, ce serait dommage, entre guillemets, de se rater.
Est-ce que c'est le domaine électronique et l'informatique, le numérique, qui pose le plus de problèmes ? C'est pourquoi tu travailles sur ce sujet ? Est-ce que il y a d'autres industries qui posent ces mêmes problèmes ou est-ce que c'est vraiment spécifique à ce domaine ?
Je pense que c'est dans toute l'industrie. Récemment, il y avait un article dans le Guardian qui faisait état de ses problèmes de frais de recrutement dans l'agriculture au Royaume-Uni.
Quels sont les problèmes à résoudre, les cadres qui devraient être mis en place pour une meilleure traçabilité de l'approvisionnement, en particulier des équipements électroniques, numériques, informatiques ?
Brigitte : Je pense qu'il faudrait demander par une loi, parce que je pense que ça ne peut passer que par une loi, de leur demander de faire ce qu'on demande aux attributaires, c'est-à-dire d'établir la transparence sur la chaîne. Le problème, c'est qu'en France, on a une loi aussi sur le secret des affaires. Alors, si on demande aux fournisseurs de faire une liste de leurs sous-traitants, est-ce qu'ils vont pas se référer à cette loi française qui protège le secret des affaires. C'est un vrai souci.
Existe-t-il des labels, pour améliorer la traçabilité et la transparence de l'approvisionnement ?
Brigitte : Electronics Watch travaille avec deux labels au sujet de l'électronique et en particulier sur les questions environnementales. C'est TCO certified et EPEAT. Il est difficile d'en dire plus maintenant, puisque il y a un travail qui est en cours, mais il y a une collaboration qui est établie avec ses deux labels, en particulier au niveau des problèmes environnementaux et certainement également au niveau de la traçabilité.
Merci beaucoup pour le partage d'informations sur la traçabilité de l'approvisionnement, les questions de servitude, d'esclavage moderne, en réalité. Et puis, bonne continuation.
Merci à toi.
Malika. Une question, la même que Brigitte. Quelles sont les perspectives concernant l'amélioration de la traçabilité, de la transparence de l'approvisionnement des équipements informatiques de l’État ?
Les perspectives très concrètes c'est qu'on attend beaucoup de notre collaboration avec Electronics Watch, on va certainement gagner en maturité sur le sujet et avoir des marchés qui sont davantage tracés que les marchés précédents
Cette question de la traçabilité sociale et du respect des droits de l'homme au travail, c'est un sujet qui est complexe, complexe à comprendre, complexe à traduire dans les marchés et complexe à suivre. Néanmoins, c'est un volet social à part entière. C'est un sujet qu'il ne faut pas lâcher. En 2016, c'était la première fois qu'on intégrait ces enjeux de traçabilité, de droits de l'homme au travail. On n'en parlait même pas avant. Quand je vois ce qu'on a fait entre 2016 et maintenant, les choses ont beaucoup évolué.
La loi sur le devoir de vigilance a également permis une acculturation de l'ensemble des acteurs à ces sujets de devoir de vigilance et de droits de l'homme. Et donc, l'évolution, c'est dans le prochain marché, dans lequel on aura l'accompagnement d'Electronics Watch, moi je suis très optimiste sur la qualité des informations qu'on va pouvoir avoir et donc sur le monitoring qu'on pourra mener en collaboration avec les titulaires des marchés sur ces sujets-là.
Et après moi, mon rêve, dans l'absolu bien sûr, c'est qu'on puisse aboutir un jour à un label social qui nous garantit la qualité éthique des produits qu'on achète, qualités éthiques notamment relatives aux conditions de travail qui ont présidé à la fourniture des produits achetés dans le cadre des marchés publics.
Malika, merci beaucoup. Merci d'avoir partagé ton expérience et ton quotidien avec nous.
Merci, c'est un plaisir.