Enjeux du recyclage des déchets électriques et électroniques

Épisode 82 publié le 05/12/2023

Tess Pozzi et Romuald Ribault

Tess Pozzi et Romuald Ribault

Tess Pozzi est administratrice de la FEDEREC, Fédération des entreprises du recyclage et responsable des relations institutionnelles Derichebourg Environnement. Romuald Ribault est directeur Marketing de Ecologic, éco-organisme agréé pour la gestion des déchets électriques et électroniques et vice-président de l’AGIT, Alliance Green IT. Avec nos deux interlocuteurs, nous avons échangé sur le fonctionnement du traitement et du recyclage des déchets électroniques ainsi que sur les enjeux actuels et à venir comme l'export illégal vers des pays pauvres.

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Extrait

Tess :

Peut-être qu'avec ces obligations là, les fabricants seront incités à rendre moins complexe la composition, quand c'est possible, de certains appareils. Utiliser moins de résines plastiques différentes, utiliser peut-être des alliages moins complexes bien sûr en garantissant les mêmes fonctionnalités de l'appareil.

Romuald :

Il faut nuancer entre l'équipement type dispositif médical et puis nos vieux écrans cathodiques dont personne ne va se servir qui vont être envoyés sous régime de biens d'occasion et qui seront pour le coup de l'export illégal de déchets sous couvert de de biens d'occasion.

Qu'est-ce qu'un DEEE ?

Tess :

Un DEEE est un déchet d'équipements électriques et électroniques donc c'est assez large comme comme déchet. On parle aussi bien de l'électroménager, tout ce qu'on retrouve chez nous : les machines à laver, les aspirateurs, les cafetières, les réfrigérateurs, les téléphones portables, le matériel informatique. Cela concerne aussi tout ce qui est équipements professionnels : les climatiseurs, les outillages, donc c'est une catégorie qui est assez large, tout ce qui fonctionne avec des piles et des batteries et qui lorsqu'ils arrivent en fin de vie sont catégorisés de déchets.

Romuald, tu représentes un éco-organisme qui s'appelle Ecologic Qu'est-ce qu'un éco-organisme ?

Romuald :

Un éco-organisme est une société privée et qui est investi d'une mission d'intérêt général et qui est agréée par l’État. Donc concrètement, les pouvoirs publics vont établir un cahier des charges et en répondant à ce cahier des charges et en prenant des engagements aussi bien quantitatifs que qualitatifs, le candidat peut gagner cet agrément. Une fois que la société est agréée, cela permet deux choses principales : la première concerne la conformité des fabricants ou des metteurs sur le marché, au regard du dispositif qu'on appelle la REP, la responsabilité élargie des producteurs.

Concrètement ils vont nous verser les éco-contributions qui sont attachées au prix de vente de leurs produits neufs. Nous avec ce financement, on va organiser la collecte au niveau national de l'ensemble des déchets électriques et électroniques qui sont produit sur le territoire. Cela va concerner à la fois les déchets des ménages qu'on va collecter à travers les déchetteries, des magasins ou des associations. Et puis cela concerne les déchets des entreprises et des administrations qu'on va aller chercher par des enlèvements sur site des entreprises pour leur assurer ces opérations de collecte, de traitement et de recyclage.

Pouvez-vous expliquer le processus de collecte des DEEE depuis la récupération jusqu'au traitement final ?

Romuald :

Une fois que les déchets ont été collectés sur site - si ça concerne les déchets des ménages ça veut dire collectées au sein d'une déchetterie par exemple et si c'est une entreprise elle va elle-même massifier un lot d'équipements ou de déchets électriques et électroniques à faire enlever et donc à partir de ce point de collecte on va assurer une première logistique, souvent, de regroupement. Puis les déchets, une fois regroupés vont être triés par flux. Les flux sont la séparation opérationnelle qui est nécessaire pour traiter de manières différentes tous ces déchets d'équipements électriques électroniques. Une fois séparés en flux, on va attendre d'avoir un camion complet et dès que le camion sera complet, ça partira donc chez un opérateur de traitement comme Derichebourg par exemple.

Qu'est-ce que le traitement de ces déchets ?

Tess :

Le traitement de ces déchets est très encadré. Il faut savoir qu'en France, on a une réglementation qui fixe un certain nombre d'obligations pour les entreprises pour s'assurer que le recyclage se fait en respectant des objectifs. On va contrôler la performance du
recyclage et puis dans les DEEE, on a aussi des polluants que ce soit les piles ou les batteries ou certains composants. On a des obligations qui visent à extraire ces composants pour que les matières recyclées ne soient pas polluées. Je disais en préambule que les déchets d'équipements électriques et électroniques recouvraient une grande catégorie de produits : on a quatre principaux flux qui sont importants à avoir en tête puisque c'est selon ces principaux flux qu'on va avoir des obligations de traitement différentes.

On a tout ce qui concerne les gros équipements électroménagers froids. Cela peut paraître barbare comme dénomination mais c'est tous les équipements qui fonctionnent
notamment avec des systèmes de réfrigération donc les frigos, les congélateurs, les climatiseurs par exemple, c'est la première catégorie. La deuxième catégorie ce sont les gros équipements électroménagers hors froid : four, machine à laver, lave-linge, lave-vaisselle... Et puis on a deux autres catégories qui vont regrouper pour la troisième les écrans et pour l'autre les petits appareils en mélange : ce sont tous les petits électroménagers : la cafetière, la machine à café...

Pourquoi 4 grandes familles ? Parce qu'on a pas la même composition en termes de matériaux et on n'a pas non plus la même présence de polluants. Donc le traitement se fait sur des installations industrielles qui sont équipés de chaînes de production, des hommes et des femmes qui vont intervenir sur des étapes manuelles de retraits de polluants sur des étapes de tri et des outils de production quand même largement industrialisés et automatisés aujourd'hui pour venir séparer les différents matériaux qui composent les déchets.

Romuald :

Et juste pour compléter 99% des déchets collectés en France sont traités en France. Le 1% qui reste correspond à des logiques de territoires transfrontaliers où des fois il est plus pratique d'aller vers un opérateur traitement qui est juste à côté.

En bout de chaîne de traitement, cela consiste en quoi ? Combien de matière est récupérée pour être ré-utilisée ? Combien de matière est utilisée pour de la valorisation et combien finalement de tonnes ou en % sont enfouis ?

Romuald :

Je vais tenter de répondre sur cette partie chiffres pour vraiment avoir une vision globale.

Déjà, avant de parler de collecte de déchets, il faut comparer par rapport à ce qui est mis sur le marché. Chaque année, c'est environ 2,5 millions de tonnes qui sont mis sur le marché, donc ça concerne des équipements neufs sur le territoire français. Chaque année, au niveau de la collecte, c'est 995 000 tonnes qui sont collectées, donc quasiment 1 million de tonnes qui sont collectées en France.

Comme on le disait tout à l'heure, les deux principaux flux qui sont collectés concernent le gros électroménager hors-froid qui prend 45% quasiment des tonnes collectées. Et la deuxième catégorie, c'est les petits appareils en mélange qui correspondent à 32% environ de la collecte.

En termes de valorisation et de recyclage, le taux de valorisation moyen tout flux confondu est de 89%. Ça veut dire que sur 100 kg de déchets collectés, on va valoriser 89 kg de ce déchet.

Plus précisément, on va recycler 77%, c'est-à-dire 77 kg vont être recyclés, c'est-à-dire qu'on va transformer ces déchets dans des nouvelles matières.

Donc au global, sur l'ensemble des flux, on peut considérer qu'on a environ 11%, soit 11 kg sur 100 kg de déchets qui ne seront ni recyclés ni valorisés et qui correspondent la plupart du temps à des polluants dont l'enjeu n'est pas vraiment le recyclage, mais bien de sécuriser une pollution et donc de les sécuriser, d'éviter une dissémination dans l'environnement.

Tess :

Alors je n'ai pas d'autres chiffres à ajouter. En revanche, c'est vrai que c'est important de rappeler que le recyclage, il n'a pas de but en soi.

On recycle parce qu'il est important de remettre sur le marché des matières qui vont pouvoir être consommées dans la fabrication de nouveaux objets.

On ne recycle pas pour le plaisir de recycler, il est important derrière qu'il y ait des industriels qui intègrent des matières recyclées. On parle d'acier recyclé, d'aluminium recyclé, de cuivre recyclé, de plastique recyclé.

Tout ça, ce sont des chaînes de valeurs industrielles qui sont impliquées pour réintroduire dans les processus de fabrication des matières recyclées
au lieu de matières qui sont d'origine primaire, donc qui ont été extraites des sous-sols.

Justement, cette partie-là est moins connue, moins visible, puisque du coup, les recycleurs deviennent en quelque sorte des brokers, en quelque sorte des industriels de la mine, de l'extraction minière mais de l'extraction minière urbaine, on parle de mine urbaine. Comment fonctionne cette partie-là ? Ils deviennent vendeurs, commerçants de ces produits-là ou ça passe par des intermédiaires ?

Tess :

C'est vrai que du point de vue du grand public, on réduit, je pense, la compréhension du recyclage au geste de tri et à mettre son déchet dans la bonne poubelle de tri, on va dire, et on ne sait pas vraiment ce que deviennent ces déchets.

Effectivement, la vocation première du recycler, qui est un industriel aujourd'hui très largement, c'est, à partir de déchets, d'aller séparer les différentes matières grâce à ses outils, grâce à sa technologie, et c'est bien de revendre ces matières-là à des clients.

La plupart des industriels revendent directement la scie recyclée, par exemple, à des acteurs de la sidérurgie, ou vont revendre les métaux type cuivre, aluminium à des affineurs de la métallurgie.

On ne vend pas directement à un fabricant d'électroménager qui va vendre un aspirateur, on va vendre à l'étape en amont de la chaîne industrielle, manufacturière, on va dire, donc c'est un peu comme dans l'industrie automobile, on parle souvent des sous-traitants.

Dans la chaîne de valeur de la production d'équipements de consommation, on a toute une chaîne d'acteurs, et donc le recycler vend ses matières recyclées à d'autres industries qui produisent ce qu'on appelle des produits semi-finis.

Et en termes de circularité, c'est infini ? On peut recycler la matière de façon infinie ou il y a des plafonds ?

Tess :

Alors, je ne saurais pas vous donner un plafond parce que ce sont des sujets très techniques qui varient d'un matériau à un autre. Je pense que ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'un matériau en lui-même, s'il est, on va dire, pur, il peut se recycler vraiment plusieurs fois.

En revanche, si on intègre un matériau recyclé dans un équipement qui est composé d'autres matériaux, qui vont être imbriqués les uns entre les autres, où on va faire des mélanges par exemple sur les plastiques de résine, là on vient complexifier le matériau et dégrader son potentiel de recyclage.

Donc, on dit souvent que l'aluminium est recyclable à l'infini, et c'est vrai que c'est un matériau très facilement recyclable, notamment par exemple, on pense aux emballages, aux canettes, parce qu'il est monomatériau. On est sur un produit qui est construit à partir d'un seul matériau, donc ça on est sur du recyclage qui est beaucoup plus évident, que ce soit au niveau du tri ou de la production d'un matériau homogène.

Quels sont les principaux défis actuels dans le traitement et le recyclage des déchets d'équipements électriques et électroniques, et en particularité les déchets informatiques ?

Tess :

Alors Romuald a commencé l'explication tout à l'heure en parlant de la phase de collecte, et ça c'est très important parce qu'aujourd'hui on a vraiment un potentiel de collecte à aller chercher, et ça, ça passe par de la sensibilisation au geste de tri, qu'on soit vis-à-vis d'un public, on va dire grand public citoyen, public entreprise, ou si on pense même à l'IT, on a un geste de tri qui est à perfectionner.

Donc ça, je pense que de manière globale dans les filières de recyclage et dans la filière électronique, elle est concernée aussi par un besoin de développer la collecte de ces matériels en fin de vie.

Peut-être pour les matériels informatiques plus précisément, on a la question des métaux critiques. Aujourd'hui on entend beaucoup parler d'être indépendant en matière d'approvisionnement en matériaux, on parle de souveraineté industrielle, donc on a besoin de s'affranchir de certains continents dans l'approvisionnement de matières stratégiques, et les métaux critiques qui sont contenus dans le matériel informatique sont un enjeu aujourd'hui, et donc c'est un matériel qui n'est pas facilement recyclé aujourd'hui, d'une part parce qu'il est présent en quantité vraiment très faible dans les appareils.

C'est compliqué d'aller les chercher. Puis il n'y a pas une filière de recyclage qui est aujourd'hui à l'échelle industrielle qui permet de valoriser ces métaux critiques, donc on a un axe de développement sur cet enjeu-là.

Je ne sais pas Romuald si tu as des éléments sur le matériel informatique ?

Romuald :

Non, je dirais la partie plastique, parce qu'il y a des gros enjeux au niveau du recyclage des plastiques, avec différentes résines qui sont utilisées, avec des problématiques de charges et de polluants en fonction des différentes résines, donc je pense qu'il y a quand même un enjeu assez important dans le recyclage des plastiques qui sont utilisés dans les équipements électriques IT, en particulier.

Et peut-être un dernier enjeu qui n'est pas propre au matériel informatique, mais qui le concerne aussi, et qui concerne globalement pas mal de catégories, c'est le risque incendie, qui est lié à la présence de batteries qui sont de plus en plus, de piles et batteries au lithium, donc c'est une technologie de batteries qui se développe de plus en plus, et qui présente un risque d'explosion qui peut être assez fort si les déchets qui les contiennent sont manipulés brutalement ou brusquement.

Et aujourd'hui, il y a un vrai enjeu de sensibilisation aux gestes de tri de manière générale, mais aussi à la séparation des piles et batteries qui sont contenus dans les appareils électroniques, pour que lors de la chaîne de valeur du recyclage, on ait vraiment un risque minimum de déclenchement d'incendie, parce que les piles et batteries auront été retirées en amont des appareils.

C'est un enjeu auquel on est très sensible dans la filière.

Et concernant les substances dangereuses dont tu en as parlé Tess, quelles sont ces principales substances dangereuses, et comment elles sont justement traitées au-delà des batteries lithium ? Est-ce qu'il y a d'autres substances dangereuses et comment elles rentrent dans le processus de recyclage ?

Oui, tu as raison d'en parler Richard, parce que le recyclage, effectivement, sa vocation principale, c'est de fabriquer des matières recyclées, mais on a, comme je le disais au début, une étape fondamentale avant même de produire des matières recyclées, c'est la dépollution.

Donc on a un certain nombre d'appareils qui contiennent des polluants. Par exemple, dans les réfrigérateurs, il y a des gaz fluorés qui ont un pouvoir de réchauffement climatique qui est très élevé, donc c'est pour ça qu'on a des installations spécifiques pour extraire les gaz fluorés qui sont présents dans les réfrigérateurs.

Il y a aussi certains appareils qui contiennent des plastiques dans lesquels du brome a été ajouté. Il n'est pas là pour rien, le brome est là pour prévenir justement le déclenchement de départs de feu, puisqu'il a un rôle dans le plastique de limiter l'échauffement. Il est là pour une bonne raison, pour éviter des départs de feu chez les usagers.

Mais c'est une substance qui aujourd'hui est réglementée, et donc on doit séparer les plastiques qui contiennent du brome par exemple.

Ce qui est important d'avoir en tête, c'est que les équipements qu'on recycle aujourd'hui, ils sont parfois anciens, et donc lorsqu'ils ont été commercialisés au début de leur vie, ils contenaient des substances autorisées à l'époque, et puis maintenant on a des réglementations européennes ou françaises qui sont de plus en plus strictes sur les polluants, et qui viennent limiter l'usage de certaines substances.

Le rôle des recycleurs, c'est de s'assurer que ces substances interdites ne se retrouvent pas dans les matières recyclées, pour qu'elles n'aillent pas dans un nouveau circuit de fabrication, et les entreprises de recyclage interviennent aussi pour justement limiter les impacts de pollution sur l'environnement, donc pour extraire ces polluants et les envoyer dans les bonnes filières, c'est notamment des filières de gestion des déchets dangereux en fait, qui vont venir éliminer ces substances de manière conforme à la réglementation.

Romuald :

Pour illustrer ce propos, Richard, pendant longtemps les équipements étaient réalisés grâce à des soudures au plomb, et en 2002 une directive européenne, la fameuse directive ROHS, a interdit l'utilisation du plomb.

Néanmoins, ce qu'on collecte aujourd'hui sur les points de collecte, c'est aussi des équipements qui ont été mis sur le marché avant cette date de 2002, et donc tout l'enjeu d'aller aujourd'hui s'assurer que ces vieilles substances aujourd'hui interdites ne seront plus présentes demain à travers des matières recyclées.

Comment les avancées technologiques, par exemple l'intelligence artificielle, c'est un peu le buzzword du moment, peuvent s'intégrer dans le processus de traitement des DEEE pour améliorer l'efficacité, la précision, ou est-ce que c'est plutôt un process qui reste artisanal ?

Tess :

Oui, il y a effectivement le recours à l'intelligence artificielle qui se fait aujourd'hui sur la collecte par exemple, avec de la collecte intelligente qui permet de mesurer l'état de remplissage des bacs, mais à ma connaissance, c'est plutôt utilisé pour la collecte des emballages ou des déchets ménagers, pas forcément sur les DEEE.

En revanche, sur les étapes de recyclage, il y a beaucoup d'expérimentations qui sont menées par les entreprises, il y a beaucoup de recherche et développement.

La robotisation s'intègre de plus en plus dans certaines chaînes de tri, et sur les technologies de séparation, on a beaucoup de technologies différentes qui s'industrialisent.

Par exemple, quand on parle de production de matière recyclée, ça impose vraiment en amont d'avoir trié les différentes matières, et donc ce tri peut se faire de différentes manières, on a du tri magnétique, du tri par flottaison, donc là on fait couler ou flotter les matériaux selon leur densité, et ça nous permet de les séparer de manière intelligente.

On a certaines entreprises qui développent le tri par reconnaissance couleur, donc là on a vraiment des rayons qui viennent pointer les matériaux, et avec des technologies qui viennent souffler, on vient extraire et orienter, diriger les matériaux selon leur composition, donc il y a beaucoup de développement qui se fait sur ces outils industriels.

En revanche, l'intelligence artificielle est quand même aujourd'hui à l'étape expérimentale pour notre métier en tout cas, et l'étape industrielle, je pense que ce sera dans un second temps.

Avant de parler de recyclage, bien sûr il faut allonger la durée de vie des équipements, les réemployer, mais quand même, comment les fabricants d'équipements électroniques peuvent contribuer davantage à la conception d'un produit plus durable, facile à réparer, facile à réemployer et aussi facile à recycler ?

Romuald :

Alors je dirais qu'il existe tout un tas de dispositifs qui incitent ou qui contraignent les metteurs sur le marché à renforcer l'éco-conception en vue des différents objectifs que tu viens de citer.

On peut parler dans un premier temps d'un plan d'éco-conception qui est devenu obligatoire depuis 2023, c'est-à-dire que tout metteur sur le marché, sur le territoire doit mettre en place un plan d'éco-conception.

Ce plan d'éco-conception vise à ce que l'équipement soit moins énergivore, mais aussi qui consomme le moins de ressources, bref qui soit plus durable, plus fiable, plus réutilisable, plus réparable, plus recyclable.

Donc l'éco-conception permet d'anticiper un maximum dans le design du produit, tout ce qui rendra ce produit plus durable.

Ensuite, au niveau de la filière EEE, qui est une filière soumise à responsabilité élargie des producteurs, à REP, comme je disais, les fabricants payent à un éco-organisme une éco-contribution.

Cette éco-contribution va être modulée en fonction de l'éco-conception d'un produit, s'il est éco-conçu ou s'il n'est pas éco-conçu.

Donc c'est des critères qui sont définis, en fonction du type d'équipement, on va avoir droit à un bonus en cas d'éco-conception. Donc cela contribue aussi à faire que le fabricant éco-conçoive davantage.

L'indice de réparabilité aussi, au niveau national, est quand même un indice qui se déploie, et donc ça devient aussi dans l'intérêt du fabricant d'afficher un bel indice, en attendant le futur indice de la durabilité.

Et puis je voudrais aussi évoquer deux autres leviers.

Il y a en cours un règlement pour l'éco-conception de produits durables au niveau européen, donc sur l'ensemble du territoire, ça concerne tous les produits, en fait, manufacturés, donc aussi les équipements électriques, électroniques.

Et ce règlement européen viendra réviser une directive de 2009 sur l'éco-conception, et donc pour bien définir les critères pour apporter plus de réutilisation, de re-emploi, de recyclabilité, etc.

Et dans ce règlement, il est aussi question d'un passeport numérique, qui vise à attacher à l'équipement, pendant toute sa durée de vie, des informations qui seront accessibles en fonction des différentes parties prenantes, tout au long du cycle de vie de l'équipement.

Cette transparence va permettre d'aller dans une meilleure recyclabilité et toutes les phases amont de l'allongement de la durée de vie.

Et enfin, je voudrais aussi citer quelque chose qui n'est pas sous le régime de la contrainte, mais qui s'aperçoit, c'est l'évolution des modèles économiques de certains fabricants, vers notamment l'économie de fonctionnalité.

Je prends le cas, par exemple, des copieurs. Aujourd'hui, quasiment, on ne vend plus de copieurs. Par contre, on vend l'usage des copieurs et donc on vend des copies, ou des pages imprimées, ou des scans numérisés, etc.

Donc on va vraiment vendre l'usage. Et à partir du moment où on vend l'usage et que c'est le fabricant lui-même qui devient le détenteur de son propre équipement. Tout cela permet de faciliter la fabrication de produits durables, vu que c'est le fabricant lui-même qui aura un intérêt à allonger sa durée de vie.

Dans le cas des copieurs, vous le constatez, il y a moins de collecte de copieurs à recycler, ou c'est plus le fait que ça soit mutualisé dans une entreprise, une organisation ?

Romuald :

Le fait qu'il y ait moins de copieurs à collecter, ça ne change pas, parce qu'il faut quand même relativiser toutes ces évolutions de collecte à la croissance et aux besoins.

C'est-à-dire qu'il y a toujours de plus en plus d'utilisateurs. Et donc il y a toujours de plus en plus d'équipements mis sur le marché. Donc de fait, de plus en plus d'équipements à collecter.

Néanmoins, ce changement de modèle économique contribue à ce qu'on en collecte moins, vu que l'idée est de les faire durer le plus longtemps et donc retarder le plus tard possible la fin de vie.

Je vous propose qu'on en prenne un peu de hauteur, quand on regarde maintenant à l'échelle mondiale, parce qu'il y a pas mal de sujets, notamment de traitement de déchets dans des filières illégales. On parle du Ghana, en Asie, etc. Est-ce que vous pouvez nous dresser un peu un état des lieux au niveau mondial de ce qui se passe concernant l'exportation des déchets, notamment des pays occidentaux, des pays riches vers les pays pauvres ?

Romuald :

Je vais tenter un rapide état des lieux en m'appuyant sur une donnée qui est publiée chaque année par l'ONU, par l'intermédiaire d'une publication qui s'appelle Waste Monitor, et qui évalue au niveau mondial à 70 millions de tonnes, les déchets électriques et électroniques au niveau mondial.

Donc 70 millions de tonnes de déchets, relativisons par rapport aux équipements neufs mis sur le marché en France, de 2,5 millions. La part du français à l'échelle mondiale est à relativiser.

Ensuite, il y a différentes pratiques qui permettent de se séparer de ces équipements électriques et électroniques.

Je ne peux que souligner le fait qu'aujourd'hui, travailler avec la filière agréée, c'est se garantir le plus haut niveau d'exigence en matière de collecte et de traitement des DEEE, et donc c'est d'éviter que ça puisse partir vers une mauvaise voie.

Les voies de sortie des déchets électriques et électroniques ne sont pas forcément les filières illégales.

C'est en partie les fuites qui s'appuient sur des pratiques illégales, mais c'est aussi lié à des erreurs de tri.

On retrouve au mauvais endroit des équipements qui devraient avoir des traitements spécifiques et qui vont être traités avec d'autres équipements et pas dans les bonnes conditions sur le territoire.

Ensuite, il y a les erreurs de tri aussi à la source. On estime qu'il y a encore 2 kg sur 20 kg de DEEE produits par an par habitant. Il y aurait 2 kg qui partirait aux ordures ménagères. Ça concerne nos petits appareils IT en particulier, la petite souris, la calculette, la clé USB.

Tout ça part aussi dans des mauvais gestes de tri et donc part dans de mauvaises voies. C'est vraiment de notre responsabilité à tous de faire le beau geste.

Encore une fois, on a la chance d'avoir une filière agréée en France. Donc s'appuyer sur cette filière agréée, c'est se garantir qu'il n'y a pas de mauvaise fuite et notamment à l'export de manière illégale.

À l'échelle mondiale, quelles sont les conséquences sociales et environnementales d'un mauvais traitement des D3E en excluant la France qui est plutôt un bon élève ? Qu'est-ce qui se passe au niveau mondial ?

Romuald :

Vraisemblablement, on voit des routes qui pointent des retours vers les pays d'Afrique ou les pays d'Asie du Sud-Est.

La première problématique, c'est la dimension logistique. Plus on envoie loin des déchets, plus on émet du carbone.

Au niveau social, on est certain que dans ces pays de destination, on n'aura pas d'exigences en matière de droit du travail aussi fortes qu'au niveau européen.

Au niveau environnemental, de la même manière, c'est vraiment sur le territoire européen qu'il y a des exigences très très fortes.

En dehors du territoire européen, toutes les phases et ce qui permet la dépollution ne seront pas garanties.

Sur l'aspect ressources, les équipements vont être recyclés d'une manière ou d'une autre. Après, c'est au détriment évidemment de fortes pollutions et de mauvais traitements sur les conditions sociales.

Il y a un exemple qui me revient à l'esprit où des équipements informatiques, donc des ordinateurs, sont envoyés via des ONG, via des associations à un public en Afrique, en Madagascar, pour être réemployés, pour être utilisés à nouveau, mais quid de mettre dans la balance le fait que la fin de vie de ces équipements sera traitée dans ces pays-là. Donc, sous-entendu, pas du tout traité. Comment on peut faire la part des choses et trouver le bon curseur entre réemploi et gestion des DEEE ? Qu'est-ce que tu recommanderais ?

Romuald :

Moi, je dirais qu'il n'y a pas de dogme sur le sujet. On est typiquement sur des approches qu'il faut aborder en analyse de cycle de vie.

Il faut peser sur chacune des étapes les externalités positives et les externalités négatives. Évidemment, quand j'envoie, pour exemple, un équipement de type dispositif médical vers un pays d'Afrique, un scanner, cet équipement va avoir une durée d'usage beaucoup plus allongée.

Très clairement, l'hôpital à destination va s'en servir et ça va sauver des vies. Donc, on a des externalités positives très fortes.

Arrivera à la fin de vie ? Dans ces cas-là, il faut espérer que l'allongement de la durée du jaze viendra compenser peut-être les externalités négatives une fois que cet équipement sera arrivé en fin de vie.

Donc, c'est quand même important de s'intéresser quand on fait appel à des schémas comme ça qui pointent vers des ONG et qui affichent de bonnes actions, de s'assurer qu'il y a bien un marché de destination.

Il faut nuancer entre l'équipement de type dispositif médical et puis nos vieux écrans cathodiques dont personne ne va se servir, qui vont être envoyés sous régime de biens d'occasion et qui seront là pour le coup de l'export illégal de déchets sous couvert de biens d'occasion.

Donc, on ne peut pas tout comparer. Il faut vraiment analyser chaque action avec ses externalités positives et ses externalités négatives et, à partir de là, faire un choix objectif.

En parlant des impacts environnementaux, est-ce que la filière, les éco-organismes et aussi les entreprises du recyclage, mesure l'impact environnemental de leurs propres opérations ? Est-ce que ça reste bénéfique, est-ce que le rendement est intéressant, le rendement environnemental ?

Romuald :

On fait des études pour mesurer notre impact environnemental. Pour l'instant, on était un petit peu, comme tout le monde, très orienté sur le CO2.

On va élargir les critères et aller vers des méthodes d'ACV. On cherche à, en effet, mesurer l'impact des opérations, de la collecte jusqu'au traitement final en site industriel.

On essaie aussi de calculer les gains du recyclage versus l'extraction, donc faire une comparaison entre un matériau recyclé et un matériau vierge.

On est en cours de mesurer ces impacts. Ce qui est évident, c'est que quand on sait que la phase de fabrication est la plus impactante en matière d'énergie du fait de l'extraction matière, de toute façon, produire de la matière recyclée viendra de toute façon réduire la part d'extraction minière nécessaire à nos consommations.

On vient réduire l'impact du poste qui a le plus d'impact.

Une des raisons pour laquelle on garde des smartphones, des ordinateurs chez nous qui ne sont plus d'usage, ou en tout cas qu'on ne les utilise pas, qu'on ne les emploie pas, c'est la crainte que nos données personnelles, nos propres photos, soit s'évanouissent un peu dans la nature, soit exploitées.

Il faut bien distinguer la destruction d'un disque dur, qui est une destruction physique, de la destruction de données qui peuvent être logicielles ou magnétiques, mais qui ne sera pas une destruction d'équipement.

Il y a une norme qui cadre le besoin en destruction au regard d'une sensibilité de données, donc plus la donnée est sensible plus il y aura des processus contraignants à respecter, donc c'est vraiment en fonction du type de données qu'il faudra s'assurer des contraintes plus ou moins élevées.

Si on a très peu voire aucune donnée sensible et qu'on confie ces équipements comme des déchets, les déchets vont être détruits et donc chaque disque dur sera aussi détruit.

Si nos données ont un niveau de confidentialité qui nécessite un procédé de destruction de données plus fort, il faut en amont d'avoir confié ces équipements en déchets, régler sa problématique de destruction de données.

On est capable d'accompagner les détenteurs sur cette problématique, que ce soit en perçant des disques sur site du client ou en allant jusqu'au niveau H5 et H6 pour être en lien avec la norme.

On est capable d'accompagner les détenteurs là-dessus, à la fin de toute façon pour les D3E, ils passeront dans le broyeur donc ils seront détruits, mais on va suivre les équipements au kilo et il se trouve que les disques durs font moins d'un kilo pour certains.

Dans ces cas-là, on n'est pas à l'abri que tout au long du processus, il y ait une mauvaise main baladeuse. Pour éviter ça, on va en amont effacer ces données et s'il y a très peu de risques, on pourra s'assurer au kilo que l'ensemble des D3E confiés sont bien détruits.

Pour finir, je vous propose quelques questions des auditeurs de Techologie. On a par exemple la question de Thomas, d'ailleurs les questions de Thomas, qui vous demande : sachant qu'avec la miniaturisation, la dispersion, on ne peut pas tout recycler en totalité, sans compter la perte de qualité due aux alliages complexes, comment s'en fait les choix sur les métaux à récupérer ? Est-ce que seule la dimension économique est prise en compte ?

Romuald :

Sur la partie miniaturisation, dispersion, alliage complexe, etc. C'est vrai qu'il y a des difficultés qui sont liées aux séparations de matière qui sont réelles. Néanmoins, il existe des procédés en recherche et développement et la recherche continue.

D'ailleurs, chez Ecologic, on a une personne chez nous qui vient d'intégrer notre département R&D et qui vient de finaliser une thèse qui a permis de séparer à l'échelle moléculaire du déodime, donc des petits aimants, à l'intérieur d'un moteur électrique. Donc il y a des possibilités technologiques pour aller chercher de manière très très fine, de manière très petite, les métaux et les terres.

Néanmoins, évidemment, il y aura un critère économique à prendre en question. Parce qu'au-delà de la capacité de pouvoir faire quelque chose, d'aller chercher des matériaux qui sont présents en quantité infinitésimale, il faut quand même que derrière il y ait un modèle économique qui permette à un industriel de saisir d'une innovation et d'en développer un outil industriel.

Donc je dirais que les choix seront technico-économiques ou réglementaires. Par exemple, il y a une réglementation qui vise à limiter la présence de cobalt dans les batteries. Ça encourage à aller chercher de manière à séparer le cobalt. Donc forcément, ça va obliger à aller chercher des matériaux qui n'étaient pas recherchés plus tôt.

Enfin, il faut quand même mesurer l'énergie et les impacts qu'on va avoir pour aller chercher ces matériaux recyclés versus d'autres solutions, parce qu'on ne peut pas le faire pour le faire de manière coûte que coûte.

Donc encore une fois, c'est une décision technico-économique. Et puis, il faut aussi avoir en tête que pour aller chercher des métaux, il y a une problématique, ce qu'on appelle le conflit des métaux, c'est que pour aller chercher certains types de métaux, on va notamment monter très fort en température. Et donc, en montant en température, on peut brûler d'autres matériaux aussi. Donc, à un moment donné, il faudra aussi faire des choix qu'on sera obligé d'aller chercher certains métaux au détriment que d'autres.

En effet, la miniaturisation et la dispersion, ça ne facilite pas le recyclage. Néanmoins, les choses avancent et l'avenir nous dira si les besoins d'une matière ou d'une autre, finalement, font évoluer le prix et incitera à aller chercher des matières plus recyclées que des matières vierges.

Tess :

Je voudrais juste compléter les propos de Romuald, effectivement, sur la question de l'évolution, peut-être, qui est à espérer aussi du point de vue du recyclage. C'est que les fabricants, notamment du fait de la réglementation, vont être de plus en plus incités à intégrer des matières recyclées dans leurs produits.

On le voit pour la première fois cette année avec le nouveau règlement européen sur les batteries, qui impose l'incorporation de certains métaux stratégiques issus du recyclage.

Et c'est quelque chose qu'on voit de plus en plus sur d'autres textes. Sur les emballages, on a une obligation d'intégrer des plastiques recyclés.

On a un texte en Europe qui est en train d'être écrit sur le recyclage des voitures, qui contiennent aussi des petits moteurs électriques et des métaux précieux, qui devront aussi intégrer dans les nouvelles voitures des matières recyclées. Et on a aussi un texte européen qui va bientôt être regardé de près.

C'est justement le texte qui concerne le recyclage des déchets d'équipements électriques et électroniques. Le cadre actuel va être révisé et on peut attendre,
dans ce cadre réglementaire européen, mais qui s'appliquera à tous les États, donc à la France, des obligations pour les fabricants d'intégrer des matières recyclées dans leurs appareils.

On parle aussi bien de plastiques recyclés que de métaux recyclés. Donc peut-être qu'avec ces obligations-là, les fabricants seront incités à rendre moins complexe aussi la composition, quand c'est possible, de certains appareils, utiliser moins de résine plastique différente, utiliser peut-être des alliages moins complexes, bien sûr en garantissant les mêmes fonctionnalités de l'appareil.

Donc c'est aussi de la recherche et développement du côté des producteurs. Je pense que c'est un beau challenge que de développer les matières recyclées dans les nouveaux équipements et que ça contribuera sans doute à une meilleure recyclabilité aussi des appareils.

Sachant que le modèle économique des entreprises de collecte de recyclage sont basés finalement sur le volume, quelles sont les pistes pour réduire de manière drastique le nombre de déchets effectifs ?

Romuald :

Je dirais que déjà les déchets sont drivés par nos actions de consommation. Le déchet est inhérent à l'activité humaine. Donc on est plutôt aujourd'hui sur une croissance du nombre de déchets malheureusement.

Nous en tant qu'organisme, notre mission c'est d'assurer la collecte et le recyclage des déchets qui sont produits. C'est à dire que nous on doit capter dans la mesure du possible un maximum du déchet qui existe.

Après si demain ça diminue, tant mieux. En attendant il faut quand même aller chercher ce qui est produit.

Aujourd'hui il est très difficile d'atteindre le taux de collecte qui est issu de la directive européenne vu que le taux de collecte est de l'ordre de 65% quand on est plutôt à 55% de collecte.

Donc aujourd'hui on ne collecte pas au regard de l'objectif, c'est au regard de l'objectif. Tout l'enjeu c'est de savoir vraiment déterminer qu'est-ce qu'on doit collecter de manière quantitative parce que c'est jamais facile de considérer qu'un équipement est un déchet.

Je prends un exemple, vous avez chez vous votre aspirateur, il tombe en panne, vous le laissez chez vous, est-ce que c'est un déchet ? Est-ce qu'il va être un déchet au moment où vous allez l'apporter à la déchetterie ? Ou alors est-ce que déjà stocké dans votre tiroir ou dans votre placard c'est déjà un déchet ? Donc c'est très difficile à déterminer la production de déchets sur une période.

Je pense que toutes les parties prenantes s'adapteront, on est plutôt pour l'instant sur une augmentation du nombre de déchets à traiter qu'une réduction et c'est tant mieux parce que comme on le disait il y a encore certains déchets qui échappent à la filière donc c'est pour ça qu'il faut continuer nos efforts de tri.

Néanmoins il y a aussi de plus en plus d'actions de renploi qui visent à allonger la durée de vie des équipements, IT et pas IT d'ailleurs.

Donc bien sûr que ces actions-là vont aussi renforcer la production de déchets mais néanmoins encore une fois on va tous mourir nos équipements aussi donc cette fin de vie arrivera un jour ou l'autre et elle sera conditionnée en amont à une mise sur le marché.

Donc aujourd'hui se joue aussi la question de bien acheter ces équipements, c'est déjà la première action pour moins produire de déchets.

Est-ce qu'il y a une réflexion pour maximiser la collecte de rémunérer en quelque sorte ou en tout cas d'avoir un intéressement pour les particuliers ou les entreprises vu que ces matières-là vont être recyclées donc revendues, est-ce qu'il n'y a pas de réflexion sur le fait d'avoir plus d'incitations à la collecte ?

Romuald :

Des réflexions il y en a, il y a même des études, des sciences comportementales, il semble que le levier financier ne soit pas toujours forcément le levier principal.

Ensuite il faut bien avoir en tête le décalage qu'il peut y avoir entre cette institution financière et cette fameuse valeur auxquelles Richard tu fais allusion vu que la valeur matière d'un équipement est en général bien inférieure à sa valeur fonctionnelle.

Lors de l'étude des comportementales sur l'analyse des gisements des téléphones dans nos tiroirs qui sont estimés à quasiment 40 millions de téléphones dans les tiroirs, certaines personnes annonçaient que ce serait le levier financier qui les ferait faire cet effort et quand on leur demandait combien vaudrait votre geste pour le sortir du tiroir, le montant moyen annoncé est de l'ordre de 85 euros.

Donc il faut imaginer qu'un téléphone qui pèse 200 grammes en matière il doit valoir entre 2 et 4 euros, donc il y a un tel décalage entre le besoin exprimé par le détenteur et la vraie valeur intrinsèque du produit en matière.

Et là je parle du produit en matière à destination mais avant ça il aura fallu le collecter, le regrouper, l'amener sur un site de traitement donc tout ça c'est des coûts logistiques et opérationnels et jusqu'à présent la valeur matière ne compense pas ce coût opérationnel, ce coût logistique.

Il faut quand même avoir bien ça en tête, si les déchets avaient de la valeur il n'y aurait pas de filière REP, il n'y aurait pas d'éco-contribution vu que l'éco-contribution quelque part elle vient compléter le montant de la valeur matière d'un équipement elle-même sur sa composante logistique, transport, traitement.

Et quelles sont les mesures qui sont prises peut-être plutôt au niveau international pour lutter contre l'export illégal des déchets électroniques ? Est-ce qu'il y a des condamnations à la source ?

Romuald :

Je peux apporter quelques éléments aussi, alors les mesures qui sont prises, la filière agréée a mis en place, ça a duré plusieurs années, un étudiement pour essayer de comprendre quelles étaient les différentes voies de circulation des équipements en fin de vie et donc a pu mesurer la partie qui partait sur des voies plutôt illicites.

Dans ces cas-là, les co-organismes doivent faire appel au pouvoir public et à la fonction régalienne de l'État qui est de faire en sorte d'interdire tout ce qui est actions illicites.

Donc nous on va être en mesure de flécher vers certaines pratiques, flécher certains flux en particulier, en tout cas importer de l'information, des données qui permettront à la force publique de faire son boulot.

Ensuite, c'est aussi toujours très difficile de savoir qu'est-ce qui est légal et illégal. Est-ce que quand j'exporte des biens d'occasion, je suis dans le légal, pourtant à destination il n'y aura pas de marché et ça va devenir aussi sec qu'un déchet.

Au final, sous couvert d'un bien d'occasion légale, j'aurais fait une action illégale. C'est quand même très difficile aussi de déterminer le légal du non légal.

Pour condamner à la source, j'ai envie de dire, encore une fois, c'est la responsabilité de chacun que de confier ses déchets aux bonnes parties prenantes.

Encore une fois en France, il y a une filière agréée, une solution en ligne e-dechets.com qui permet d'évacuer en toute simplicité et en toute sûreté ses équipements.

Donc c'est la responsabilité de chacun de ne pas jouer ce jeu et d'être très curieux avec ses parties prenantes pour bien comprendre quels sont les exutoires de chaque partie prenante.