Lutter localement contre la destruction de la nature
Épisode 89 publié le 27/04/2024
Christophe Nedelec
Christophe Nedelec est informaticien, musicien, sono-thérapeute, apiculteur, botaniste amateur et militant écologiste. À travers différentes associations, il s'est battu contre la destruction de zones naturelles en Île de France. À travers différentes associations locales, ses luttes les plus importantes ont été de préserver le Montguichet à cheval sur les communes de Gagny, Montfermeil et Chelles, préserver un tronçon de l'aqueduc de la Dhuis et de contrer l'exploitation du gypse du Fort de Vaujours, un site anciennement détenu par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) où a été conçu le détonateur de la bombe nucléaire française.
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Sommaire
- Comment devient-on apiculteur ? Comment vont les abeilles en Île de France ?
- Quelles sont les batailles écologiques qu'il a mené et celles gagnées ?
- Que se passe t-il au Fort de Vaujours, sur la commune de Vaujours située à 14km environ au nord-est de Paris en Seine Saint Denis
- La présence de certaines espèces protégées peut-il permettre de protéger des zones naturelles ?
- Au sujet des forêts et des prairies.
- Comment et pourquoi continuer à se battre en 2024 ?
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Extraits sonores
- Soft - Lespwa (L'espoir)
Transcription
Extrait
La première étape du combat, c'était de démontrer que le site était toujours pollué. On a fait les commandos, on a pris les pelles, on a creusé un soir, on est passés en dessous, on est rentrés dans toutes illégalités sur le fort, on est venu avec des compteurs Geiger et en quelques heures de nuit, on a trouvé des zones qui étaient toujours contaminées, qui étaient contaminées par les expérimentations du commissariat à l'énergie atomique.
Je pense qu'on est sur le site le plus pollué d'Ile-de-France, voire un des sites les plus pollués de France.
Comment devient-on apiculteur ?
Apiculteur, c'est un vaste sujet. J'avais commencé sur un ruché associatif à Fontenay-sous-Bois.
On avait installé dix ruches à côté du Bowling de la Matene, pour ceux qui connaissent Fontenay-sous-Bois. On avait installé une dizaine de ruches là, et puis c'est comme ça que j'avais commencé, c'est-à-dire en donnant un coup de main au niveau du ruché associatif, et puis après j'ai commencé à avoir un terrain pas loin, au milieu de la ressource, comme on dit en apiculture, et puis j'avais installé deux ruches, et puis après les deux ruches sont devenues dix ruches, après elles sont devenues vingt ruches, après trente, quarante, cinquante, soixante, etc.
Comment vont les abeilles en Ile-de-France ?
Elles vont comme tous les insectes, c'est-à-dire que sans apiculture il n'y a plus d'abeilles. Les insectes s'effondrent, la biomasse des insectes s'effondre, les abeilles tiennent parce qu'il y a des apiculteurs qui s'en occupent, sinon elles ne seraient plus là, donc elles ne se portent pas mieux qu'ailleurs.
Ça fait partie de ce combat-là. Certains disent que c'est un combat contre l'inéluctabilité, l'apiculture.
Et tu es sonothérapeute, c'est quoi la sonothérapie ?
Alors ce n'est pas une science qui est totalement exacte, c'est-à-dire qu'on est encore à des phases d'expérimentation, il y a très peu d'études scientifiques sur ça.
En fait c'est l'effet du son sur la psyché, sur le stress notamment, sur le travail au niveau du son et des états de conscience modifiés.
Je travaille surtout avec des gongs, avec des instruments en pierre, je fais de la lithophonie aussi, et on fait des voyages, des expériences sonores qui permettent aux gens de fixer leurs intentions sur ces voyages-là, pour aller justement révéler ou soulager ce qui des fois bout à l'intérieur.
C'est un rapport avec quand même tes engagements écologistes, non, cette notion de se ressourcer, d'apprendre à s'écouter ?
Tout est lié en fait, si je me suis battu pendant autant d'années, je pense que c'est parce que je me suis bâti pour des endroits que j'aimais, pour des gens que j'aime aussi.
En fait quand on aime on protège, quand on aime on soigne, en fait tout part de là.
Souvent on se dit "ouais on va militer parce qu'on a une mission, on le doit à la planète ou quelque chose d'un peu christique comme ça". En fait quand on aime on protège, quand on aime on soigne, au même titre qu'on aime sa famille, au même titre qu'on aime ses enfants, au même titre qu'on soigne sa famille, qu'on soigne ses enfants, qu'on se soigne soi-même, le respect de soi, c'est le respect de ce que l'on aime.
### Concernant tes engagements écologiques, quelles sont les batailles que tu as menées au sein de différentes associations ? Tu peux parler justement de ces associations-là, et quelles sont les batailles menées et gagnées avec ces collectifs ?
Oui, je travaille avec plusieurs associations dans l'est parisien, les Amis Naturalistes des Coteaux d'Avron, l'association que j'avais créée, les Abbesses de Gagny - Chelles.
Les plus gros combats, on les a menés avec le collectif "Sauvons la Dhuis", qui porte bien son nom, créé en 2013 et avec lequel on s'est battu notamment pour la préservation du corridor écologique de l'aqueduc de la Dhuis.
Et on avait réussi à faire plier la Mairie de Paris pour que la Mairie de Paris et Eau de Paris ne vendent pas une bonne partie du tronçon de l'aqueduc de la Dhuis à Placoplatre.
Si ces tronçons avaient été vendus, il y aurait des collines qui n'existeraient plus à l'heure actuelle, et des milieux naturels qui n'existeraient plus, qui bordent l'aqueduc de la Dhuis.
Un combat très important qui est sur Chelles, Gagny et Montfermeil, c'était la bataille du Montguichet, la carrière Saint-Pierre à Gagny et des coteaux du Beauzet sur Chelles, et on a réussi à préserver pour l'instant 110 hectares sur les 150, qui sont maintenant propriétés de l'agence des espaces verts d'Île-de-France, avec notamment la présence d'agriculteurs qui se sont installés.
On avait imaginé ce projet-là en 2009. Au lieu de s'opposer, on s'était dit que cela serait mieux de proposer des choses, donc on avait proposé justement la revalorisation des terres agricoles en agriculture biologique, et les milieux naturels, de les préserver, de ne pas les transformer en parcs, de ne pas les transformer comme un exutoire de la banlieue.
Et pour l'instant c'est un succès. Après, c'est des combats permanents, parce que comme diraient les bouddhistes, tout est en permanence, donc un combat il
est gagné que temporairement. Que vont devenir ces sites-là dans les dix ans, dans les quinze ans, dans les vingt ans à venir, ça c'est une autre histoire, une bataille n'est jamais gagnée, une guerre n'est jamais gagnée, on remporte des batailles.
Par rapport au site du Montguichet, quel était le projet en fait ? Tu disais de parcs, de parcs-loisirs on va dire ?
C'était surtout des projets d'urbanisation, surtout sur la partie gabinienne, sur la partie à Gagny. Le Montguichet c'est un massif qui fait 160 hectares, qui est réparti sur trois communes et deux départements, donc sur la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne.
La mairie de Chelles voulait ouvrir une route qui allait éventrer le milieu naturel en deux, la mairie de Gagny qui voulait urbaniser, et en même temps on avait aussi Placoplatre qui était propriétaire d'une partie des terres grâce à une filiale qui avait des velléités aussi de reprendre potentiellement l'exploitation, ou de valoriser les terres au point d'en obtenir un bon prix, donc généralement ça veut dire pour de l'urbanisation.
On appelle cela la prédation d'espace, c'est à dire que les milieux naturels souffrent de la prédation d'espace, pour des projets d'urbanisme, pour des projets d'infrastructures... On va prendre un milieu naturel et on en fait un parc, sauf qu'un milieu naturel c'est pas un parc, un parc c'est pour l'humain, mais un milieu naturel c'est un milieu naturel, c'est le sauvage, donc les gens confondent encore, une grosse confusion finalement entre un parc, "ah je suis allé au parc je suis allé dans la nature" non, ça c'est pas un milieu naturel.
Ce n'est pas un milieu où il y a une place pour le sauvage, une belle pelouse dans un parc c'est pas une prédation naturelle, donc ça aussi ce sont des concepts qui sont importants.
Donc on s'est battu sur le Montguichet, contre l'urbanisation, contre les projets d'infrastructures routiers, contre les projets des carriers qui étaient tentés de reprendre l'exploitation, et contre des projets où ils voulaient transformer les milieux naturels en parc. On avait toutes les menaces réunies sur ce site.
Il y a une des batailles, toujours un peu d'actualité, c'est le Fort de Vaujours, sur la commune de Vaujours, situé à 14 km environ au nord-est de Paris, en Seine-Saint-Denis. Que se passe-t-il au Fort de Vaujours ?
En fait le Fort de Vaujours ça c'est un gros combat, j'ai été un des gros acteurs de ce combat-là et c'est compliqué de résumer le Fort de Vaujours.
Ce site est aussi sur trois communes et aussi sur deux départements. Il est en majorité sur la commune de Courtry, à plus de 60% et sur la commune de Vaujours.
Le Fort de Vaujours c'est quoi ? Déjà il faut savoir que c'est un ancien fort militaire qui a été transformé dans les années 1950 en centre d'expérimentation pour le commissariat à l'énergie atomique, donc c'est un lieu qui est resté secret jusqu'en 1998, car c'est le lieu où on a inventé les détonateurs des bombes atomiques françaises.
Tous les détonateurs des bombes atomiques françaises ont été élaborés sur le Fort de Vaujours. La première, notamment la Gerboise bleue qui a explosé dans le Sahara algérien, a été testée, construite au Fort de Vaujours. Elle a été transportée du Fort de Vaujours à l'aéroport du Bourget, et à partir du Bourget elle a été emmenée
en Algérie où elle y a explosé.
Donc c'est un site qui est maintenant reconnu pour être pollué avec toutes les expérimentations qui ont été faites pendant des années, des tirs à l'air libre, ou en testant notamment les détonateurs des bombes atomiques françaises, ils utilisaient une technique qui s'appelait la détonique nucléaire.
La détonique c'est l'art de la transformation, la déformation des matières au contact de la déflagration, et ça c'est le secret de la bombe.
Il y a deux secrets dans la bombe atomique, le premier secret c'est comment on enrichit l'uranium, enfin comment on extrait l'uranium 235 de l'uranium métal. On appelle ça l'enrichissement.
Et le deuxième secret c'est comment on fait exploser tout ça, et ça c'est la détonique, et donc le Fort de Vaujours à une quinzaine de kilomètres de Paris est l'endroit où on a inventé, testé, testé à l'air libre les détonateurs des bombes atomiques françaises, donc les explosions à Mururoa, tout ça, c'était là qu'ils les faisaient, donc ils faisaient exploser ces détonateurs, non pas avec des matières fissibles mais quand même avec de l'uranium.
Donc on retrouve des pollutions aux métaux lourds avec de l'uranium, du béryllium, un certain nombre de polluants chimiques, etc.
Le Fort de Vaujours a été racheté par Placoplatre, toujours les mêmes, parce que sur la ville de Vaujours, ils ont la plus grosse usine de transformation de plâtres d'Europe, voire du monde. Et le gisement est juste à côté. On a un exploitant qui était prêt à prendre tous les risques pour ses salariés, pour ses sous-traitants, pour les populations riveraines, afin d'exploiter un des sites les plus secrets de France.
Parce que les activités du Fort de Vaujours sont toujours classées secret défense, donc on ne connaît pas l'étendue des matières, on ne connaît pas l'étendue des risques.
Ce qui n'empêche pas l'État d'avoir vendu le Fort de Vaujours à Placoplatre, l'État d'avoir pollué le Fort de Vaujours, et l'État d'accorder le droit d'exploiter
sur le Fort de Vaujours.
Le combat commence un peu par hasard en 2010, un combat qui est en cours encore. Cela fait plus de 14 ans, c'est long dans une vie de 14 ans.
Il commence là où, l'État et Placoplatre disent que le site a été complètement dépollué et qu'il n'y a aucun problème pour une transformation en carrière à ciel ouvert.
Une carrière à ciel ouvert signifie exploser la colline et le fort avec des explosifs pour pouvoir faire une carrière à ciel ouvert pour pouvoir alimenter de façon automatisée l'usine de Vaujours pour faire les fameuses plaques de plâtre BA13 qu'on retrouve dans beaucoup d'habitations en France.
La première étape du combat c'était de démontrer que le site était toujours pollué. On a fait les commandos, on a pris les pelles, on a creusé un soir, on est passé en dessous. On est rentré en toute illégalité sur le fort, on est venu avec des contateurs Geiger et en quelques heures la nuit on a trouvé des zones qui étaient toujours contaminées par les expérimentations du commissariat à l'énergie atomique.
Il a fallu attendre 5 ans pour que l'État reconnaisse qu'effectivement nos mesures étaient exactes.
Pendant 5 ans on nous a traités de menteurs, d'affabulateurs, que nos compteurs n'étaient pas bien étalonnés, qu'on avait inventé les mesures, voire même qu'on a ramené des matières radioactives exprès sur le site pour faire sonner nos compteurs.
Et ce combat-là il a pris une importance assez importante au niveau médiatique lorsqu'on a découvert que 52% des habitants de la ville de Courtry - le Fort de Vaujours est à 60% sur Courtry - décédaient de tumeurs cancéreuses pendant que les autres communes étaient dans la moyenne nationale est entre 25 et 28%.
Mais l'État a refusé de faire les études nécessaires pour essayer de comprendre la réalité derrière ce chiffre statistique. La réponse a été "c'est qu'ils meurent moins d'autre chose", voilà la réponse qui a été donnée par les services de l'État, et que cela sert à rien qu'on fasse des études plus poussées pour essayer de comprendre la cause de cette anomalie statistique sur la ville de Courtry.
Donc finalement c'est un combat qui est un demi-échec ou un demi-succès, c'est qu'on a quand même réussi à faire imposer à Placoplatre des protocoles, même si on considère que ces protocoles sont insuffisants, surtout quand on ne sait pas à quoi on a affaire. On considère toujours que les protocoles sont insuffisants.
L'exploitation de la carrière n'a pas commencé mais ils ont commencé la destruction des bâtiments. Ils en sont à plus de 1500 tonnes de terres contaminées à l'uranium, qui sont censées être embarquées et enfouies dans des sites qui sont gérés par l'Andra, l'organisme qui est censé gérer l'enfouissement des déchets nucléaires.
Alors qu'au départ on nous disait qu'on était des affabulateurs et qu'il n'y avait aucun risque. Là ils n'ont même pas décapé les sols, ils ont juste démoli des bâtiments, ils en sont déjà plus de 1500 tonnes de terres contaminées en cours d'enlèvement par l'Andra. Nous on continue de dire que le projet est une hérésie.
Par contre l'enquête publique a eu lieu et elle a été favorable à l'exploitation du Fort de Vaujours pour Placoplatre. On suit encore le dossier mais je pense qu'ils vont l'ouvrir cette carrière.
Est-ce qu'il y a eu des relais médiatiques par rapport à cette affaire ? En terme de mesure, est-ce que c'était au-delà des normes recommandées ? Comment on peut laisser une exploitation avec des niveaux de radioactivité pareil aux portes de Paris ?
La bataille médiatique on l'a gagnée dans ce dossier, le Fort de Vaujours, vous faites une petite recherche sur Google, des documentaires vous en retrouvez partout. Vous allez voir ma tête partout. On a tout eu, on a fait France 2, BFM TV, TF1, Arte, France 3,les journaux de 20h, les journaux de 13h, Enquête Exclusive, Complément d'enquête, des articles dans le New York Times, des documentaires en Allemagne.
Donc il y a même eu une résonance internationale de ce dossier là parce qu'on est vraiment dans quelque chose qui a l'air un peu surréaliste comme ça à expliquer, la presse a beaucoup couvert.
Et c'est monté jusqu'aux questions au gouvernement. On a été loin et en fait on s'est focalisé sur la radioactivité mais il y a tout le reste en fait.
Notamment on sait, on a la preuve qu'ils ont fait des expérimentations avec du béryllium. Le béryllium est plus dangereux que le vanillium, en cas d'inhalation de poussière. Il n'y a pas de seuil d'innocuité pour attraper une maladie mortelle des poumons qu'on appelle la béryllios, qui est bien connue par les prothésistes dentaires.
En fait là on a un cocktail de risque, on a une pollution chimique, on a des pollutions radiotoxiques, dont l'uranium, on a des pollutions métaux lourds dans lesquels on peut mettre le béryllium et on a des restes d'explosifs de la seconde guerre mondiale qui sont là, ils en sont aussi à plusieurs tonnes d'explosifs non explosés à devoir sortir.
On se retrouve avec un cocktail de pollution qui est incroyable, plus derrière on a des pollutions à l'amiante, dans les bâtiments on a des pollutions au PCB, parce qu'il y avait énormément de transformateurs au PCB qui ont été percés et vidés au niveau du sol du fort.
Le sol est pourri de partout, il y en a un cumul de pollution qui est considérable en fait, c'est un cocktail. Je pense qu'on est sur le site le plus pollué de l'île de France, voire un des sites les plus pollués de France.
### Si je résume, en fait, pour Placoplatre c'est un intérêt économique puisque l'usine est à côté, donc même s'il y a des risques, économiquement c'est intéressant pour eux, c'est juste à côté, ça peut être transmis tout de suite à l'usine et c'est pour ça qu'ils veulent continuer à exploiter plutôt que d'aller ailleurs en fait.
Disons Placoplatre et le groupe Saint-Gobain, ils ont réussi à classer le plâtre en ressource stratégique nationale. Le plâtre n'a aucune fonction dans une maison, aucune. Le plâtre en soi n'isole pas, au mieux il régule l'hydrométrie des pièces parce qu'il va absorber un peu d'humidité et il va le restituer parce que le plâtre absorbe l'humidité et le restitue quand il sèche et c'est tout. Il n'isole pas, il n'a pas d'isolation phonique, rien, que dalle. On a vendu le BA13 comme un instrument de parement pour permettre d'avoir des murs bien lisses et bien blancs.
Et en plus le plâtre est recyclable comme le verre. On a une ressource recyclable à l'infini qui n'est pas recyclée ou sinon de façon symbolique pour faire bien devant la presse.
Quand vous jetez un carreau de plâtre en déchetterie, ça va au tout venant, il n'y a pas une benne à ordure spéciale plâtre, donc il n'y a pas de filière réelle de recyclage du plâtre.
On a un industriel qui est prêt à prendre tous les risques alors que le plâtre est recyclable. Il est prêt à faire en sorte d'être entendu par les services de l'État pour que le plâtre soit classé en ressources naturelles et stratégiques, et donc ils ont réussi.
Nous, on avait réussi à avoir les communes, la population, la presse avec nous, et alors on a l'État qui a classé le Fort de Vaujours comme étant une ressource prioritaire au niveau national. Et donc toutes les communes ont dû mettre en conformité leur plan locale d'urbanisme, même si elles n'étaient pas d'accord contre l'exploitation. Donc la démocratie locale a été bafouée, les citoyens ont été bafoués, tout le monde a été bafoué dans cette histoire.
Là, on a la toute puissance de l'influence et des lobbies qui fait que même quand on gagne la bataille médiatique, quand on gagne la bataille des coeurs, quand on gagne la bataille des preuves, des fois ça ne suffit pas pour gagner un dossier.
On a gagné la bataille des preuves, la bataille médiatiques, la bataille de la mobilisation locale. On a même gagné la bataille de la mobilisation nationale, puisqu'on avait fait une pétition à l'époque qui avait été signée par 130 000 signataires. Normalement, sur le papier on doit gagner cette bataille.
On avait relancé un peu comme ça, parce que pour faire pression sur l'enquête publique. Pour être honnête, on sait qu'on va se faire plier, mais ce n'est pas grave ça, parce qu'en fait gagner ou perdre c'est secondaire au final. Parce qu'on nous pose souvent la question que "mais vous perdez tout le temps". Déjà on n'a pas perdu tout le temps. À un moment donné, comme je disais, quand on aime, on préserve.
Moi je pense à toutes ces populations qui vivent autour, à tous ces sous-traitants qui vont au charbon, qui prennent des risques sur ce chantier là, et finalement on ne se bat pas tellement pour gagner, on se bat pour eux, parce que quand on sait ça, quand on est au courant, ne rien faire, finalement c'est cautionné, c'est tout.
A des moments, si on a l'énergie, parce que des fois on n'a pas toujours l'énergie, si on peut se permettre de ne pas cautionner, faisons le.
Comment la présence de certaines espèces protégées peut permettre, réellement, ou pas d'ailleurs, de protéger des zones naturelles contre les destructions ?
Déjà, la présence d'espèces protégées dans un milieu naturel ne signifie pas qu'on peut protéger le milieu naturel. Parce qu'il peut y avoir des dérogations.
La DRIEE, Direction régionale et interdépartementale de l'Environnement et de l'Énergie, peut donner des dérogations, pour dire "d'accord, effectivement il y a des mares avec des amphibiens classés dans les mares, mais écoutez, on va faire une dérogation, comme quoi l'industriel va pouvoir détruire ou le projet d'urbanisme, ou le projet de la mairie, ou les projets des aménageurs vont pouvoir détruire ce milieu naturel, mais ils vont faire une petite mesure de compensation".
Et donc en mesure de compensation ils vont planter quelques arbres ailleurs, ou ils vont faire une décharge sur un milieu naturel. Mais à la fin de la décharge, ils mettront un peu de terre végétale et puis ils replanteront des arbres.
Donc en fait on se retrouve avec énormément de dérogations comme ça. Avoir des espèces protégées sur un territoire ne veut pas dire qu'en cas de pression il ne puisse pas y avoir de dérogations qui soient prises.
Alors après, il y a une petite différence avec les espèces qui sont classées Natura 2000, parce que Natura 2000 c'est au niveau européen. Donc là, le lobbyiste, c'est
plus dur pour lui parce qu'il doit jouer au niveau européen, c'est pour ça que des fois nous on cherchait les espèces Natura 2000 parce que c'était plus dur pour contourner.
Je me rappelle notamment sur le bois de Brou, Brou-sur-Chantereine, un bois qui était privé et qui allait être acquis par l'agence des espaces verts. On travaille très bien avec l'agence des espaces verts mais on sait très bien que cette agence appartient à la région, donc si les politiques leur disent de faire quelque chose ou de revendre des terres qui appartiennent à l'agence des espaces verts d'Île-de-France, ils peuvent céder.
Donc nous c'était important avant l'acquisition de l'agence des espaces verts de bien vérifier s'il n'y avait pas le triton crêté. Parce qu'on savait que le triton crêté était classé au niveau Natura 2000. Donc là ça devenait plus dur à contourner qu'une espèce protégée au niveau régional ou uniquement au niveau national.
Mais en tout cas il faut bien prendre en considération que ce n'est pas la présence d'espèces protégées, que ça soit végétales ou animales, sur un espace qui est en mesure de le protéger.
Lors d'une balade à la découverte des orchidées sauvages que tu organisais au Montguichet dont tu as parlé tout à l'heure, tu avais dit que planter des arbres et des forêts ce n'est pas forcément bon et qu'il faudrait conserver des prairies. Pourquoi ?
C'est un message qui depuis 20 ans, 30 ans que beaucoup de naturalistes en France essaye de faire passer, mais ça ne passe pas, ça ne rentre pas.
C'est-à-dire qu'on a une vision que la nature c'est la forêt, la forêt n'est qu'une partie de la nature.
On a tendance à confondre la place de la forêt, c'est-à-dire dans les forêts tropicales où là effectivement l'arbre est le tuteur de vie, que s'il n'y a pas d'arbres il n'y a pas de vie. Donc on a transposé ce principe-là dans notre perception des forêts de l'hémisphère nord.
La dynamique de la biodiversité en Europe, sous nos latitudes, ce n'est pas du tout la même. Les forêts doivent mourir, les forêts sont faites pour mourir, donc il y a un cycle de vie, normalement il y a un cycle de vie et de mort des forêts.
Le premier cycle, c'est le cycle pionnier, il n'y a rien, minéral, il n'y a même pas d'humus. Le premier niveau il n'y a rien, c'est le milieu pionnier. Il y a une biodiversité des milieux pionniers, il y a des plantes et des animaux qui ne vivent, qui sont inféodés au milieu pionnier.
Après on a une phase de prairie. Dans les prairies il y a aussi un écosystème des prairies.
Après la prairie, il y a ce qu'on appelle la phase arbustive, les premiers arbustes, la ronce, etc. qui commencent à pousser.
Ensuite, il y a les arbres pionniers, les bouleaux, les peupliers, etc. Après on va avoir des chênes, mais après on va avoir le hêtre qui pousse dans l'ombre du chêne.
À un moment donné le hêtre devient plus haut que le chêne, il prend toute la lumière du chêne, il tue le chêne.
Et à la fin il n'y a plus que des hêtres, et sous les hêtres il n'y a plus de lumière. On se retrouve avec une forêt qui est terminée, qui est une forêt d'hêtres, une des hêtraie, où il n'y a plus que des hêtres et en dessous il y a quelques fougères.
Mais à un moment donné tous ces vieux hêtres, ils sont tous vieux, ils n'ont pas de jeunes hêtres qui poussent en dessous parce qu'ils prennent toute la lumière, ils meurent tous d'un coup.
Et après ça recommence. On repasse du milieu pionnier, on repasse du milieu prairial, on repasse du milieu arbustif, on repasse au niveau forestier, on repasse dans la dominance du hêtre et ce cycle-là recommence.
On a aussi des semences qui s'activent avec le feu, avec la chaleur du feu, donc l'incendie fait partie de la vie et de la mort des forêts.
Donc on se rend compte que le vivant, il doit être composé de cette diversité, ce qu'on appelle le milieu ouvert, qui est la prairie, milieu pionnier, et milieu fermé, qui sont les milieux forestiers.
On a des animaux par exemple qui vont nicher des oiseaux, par exemple la buse, la buse variable, elle va nicher dans les arbres, elle va chasser en prairie.
L'équilibre du vivant n'est pas en ayant que de la forêt, donc que des milieux fermés, il faut aussi des milieux ouverts, mais des milieux ouverts qui ne sont pas des champs. Parce qu'en fait on se balade dans la campagne, souvent on voit un bosquet, une forêt communale et des champs.
Le champ on sait ce que c'est, le champ c'est la mort, c'est stérile, il n'y a rien, vous ne voyez même plus un papillon dans les champs. Par contre dans les prairies naturelles on les voit les papillons.
On se rend compte que le milieu qui a le plus régressé en France, c'est la prairie naturelle. On a une forêt qui est en croissance, ce qu'il faut savoir c'est que dans les années 1920, on était à entre 15 et 16% d'espace boisé en France, là aujourd'hui on n'est pas loin des 30%.
On a une forêt qui a doublé en volume en un siècle. La France est le pays le plus boisé d'Europe, alors pas forcément avec une qualité de boisement, on l'a vu dans
les Landes, c'était que du résineux qui tout a brûlé. Originellement ce n'est pas du résineux qui devait pousser là, c'est une plantation humaine.
Il n'y a aucune forêt primaire en France, aucune, c'est à dire qu'on va couper les hêtres pour laisser vivre les chênes, c'est un peu ça le truc, on va faire pousser des pousses rapides, du douglas, du pin sylvestre, etc.
Si la forêt on la laissait vivre et mourir normalement, si on laissait les forêts primaires vivre, déjà ça serait bien. On a des forêts qui sont maintenues, par exemple là il y a des incendies dans les Landes, ils vont replanter des pins, ils ne vont même pas laisser le cycle reprendre après l'incendie, etc. Non, on ne va pas le faire.
Mais moi ce que je sais c'est que dans les Landes s'ils ne replantent pas, on revient dans 5 ans, il y a plus de biodiversité qu'avant l'incendie, parce que les pins en dessous, ça acidifie le sol. En dessous des pins, il n'y a rien, on a sol acide et en plus on a des couches d'épines de pin.
Ce n'est pas là qu'on va avoir des papillons. La terre est devenue acide. On se retrouve dans un milieu uniquement acide et la biodiversité c'est la diversité, c'est la diversité des terres, parce que la terre, le sol en font partie.
Ce qui est important dans la protection du vivant, ça passe par la protection des sols. Plus un sol est pauvre, moins il y a de biomasse, mais plus il y a d'espèces différentes, plus il y a de biodiversité. Plus une terre est riche, plus il y a de biomasse, moins il y a d'espèces. Tout de suite on va avoir la ronce qui arrive, on va avoir les plantes qui aiment l'azote qui arrivent et on se retrouve tout de suite avec des plantes qui vont tout prendre en fait, donc plus la terre est pauvre, plus il y a d'espèces différentes qui ne se font pas concurrence, parce qu'il n'y a pas assez de nutriments pour se faire concurrence.
Il n'y a pas les mêmes biotopes sur une terre azotée que sur une terre acide, que sur une terre calcaire ou une terre calcaire détrempée ou une terre rocailleuse etc.
Ce qui est important, c'est déjà préserver les sols et après c'est aussi préserver la dynamique naturelle des milieux et parfois la catastrophe fait partie de la nature, parce que c'est la disparition qui permet la renaissance.
Pour faire le lien avec l'exploitation des carrières en Ile de France ou ailleurs, j'avais visité les terrils à Loos-en-Gohelle, et effectivement il nous a été expliqué qu'il y a une nouvelle biodiversité qui se développait sur les terrils. Donc est-ce qu'avec les carrières, c'est aussi une bonne chose pour recréer des milieux qui vont accueillir des nouveaux milieux ? Il y a un effet positif de la carrière en fait ?
Ce qui est intéressant, c'est qu'on se rend compte que lorsqu'on a d'anciennes carrières de plâtre où l'exploitation s'est juste arrêtée, il n'y a pas eu d'apport de déchets pour combler le trou, il n'y a pas eu de pollution, l'exploitation s'est arrêtée, point.
Effectivement on repart d'un niveau pionnier qui est le milieu calcaire. En Ile de France c'est surtout des terres de gypses, des terres gypsifères, du calcaire de Brie. C'est surtout des terres calcaires qui sont issues de l'époque où l'Ile de France était une lagune. Le lagunage a permis la création de strates de terres calcaires par précipitation chimique, dont le gypse, l'apparition de marnes, etc.
Donc effectivement si on a une carrière qui arrive, il faut un trou, effectivement il y a toutes les strates géologiques qui vont être mises à nu, le plâtre, les marnes, les calcaires, etc.
Et là on va se retrouver avec un milieu pionnier. Mais ce n'est pas ça qui se passe, c'est comme les gravières par exemple, des gravières sur les bords de la Seine ou les bords de Marne. À la fin, les gravières comme elles sont au dessus du niveau de la nappe phréatique, quand ils ont arrêté les gravières, ils ont arrêté de pomper, l'eau est montée et ça fait des lacs. Et après avec les lacs, ça crée des milieux naturels autour des lacs.
Est-ce que ça veut dire que les gravières sont utiles au vivant ? C'est pas sûr.
Mais si on parle des carrières dont notamment des carrières de gypse, des carrières de plâtre en Ile de France, que 60% des gisements de plâtre en France sont en Ile de France, disons que ce n'est plus le cas maintenant, puisqu'ils font une fosse de 50 à 60 mètres de profondeur et après ils le comblent avec du déchet du BTP, soi-disant déchets inertes.
Il y a des contrôles olfactifs, c'est-à-dire que le camion, par exemple quand ils vont déverser 1000 camions par jour, ils vont déverser leur contenu pour remplir ces fosses-là, il y a un contrôle olfactif.
Olfactif, c'est les yeux, le nez, les oreilles, ils ne le goûtent pas, je ne pense pas qu'ils vont goûter, mais il n'y a pas de contrôle de la lyxiviation de ces déchets-là.
La lyxiviation, le lyxiviate, c'est quand on a une décharge, quand il pleut, l'eau s'infiltre dans le déchet et à la fin ça fait un jus, et le jus c'est ce qu'on appelle le lyxiviate.
Et dans une carrière où on ne stocke pas de déchets inertes, il y a le contrôle obligatoire des lyxiviates, qui permettent de vérifier s'il n'y a pas des saloperies non prévues qui ont été stockées.
Là, dans la mesure que le déchet est inerte et qu'on a une confiance absolue dans les contrôles de ces milliers et milliers de camions qui vont remplir des millions et des millions de mètres cubes, vu qu'on a une telle confiance dans tous ces camions-là et une telle confiance dans les contrôles, les lyxiviates ne sont pas contrôlés.
Sur le Fort de Vaujours, les lyxiviates ne seront pas contrôlés. Ce sont les déchets inertes, sont-ils vraiment inertes, ça c'est une autre histoire.
Ces carrières-là, ces gouffres, parce que c'est des gouffres, des gouffres de la carrière de Villevaudé-le-Pin, quand ils vont la combler, on parle de 13 à 14 millions
de mètres cubes de déchets qui vont être mis là, de déchets inertes.
Le déchet inerte lui, il n'est rien de naturel, c'est pas un seul naturel le déchet, c'est un mélange de ciment, de cailloux, d'extraction de terre, tout ça c'est mélangé, c'est pas une terre qui existe en fait, et après ils disent qu'ils vont rajouter un peu de terre végétale dessus puis ils vont planter des arbres.
Donc en fait de dire maintenant que les exploitations à ciel ouvert de plâtre vont créer des milieux naturels, c'est faux. Ils vont créer des buttes de déchets inertes sur lesquels ils vont planter des arbres, mais ils vont dire qu'ils ont rendu le site à la nature en fin d'exploitation.
Et sur lequel ils invitent les familles à venir se promener.
Ils invitent les familles, oui. Ils font même des visites qui montrent, "regardez, pendant 50 ans on va tout détruire, mais dans 50 ans, si vous êtes toujours vivant, c'est possible que vous, vos petits-enfants, vos arrières petit-enfant vont pouvoir venir se balader sous les arbres qui auraient été plantés sur la montagne de déchets inertes.
Alors par contre on a d'anciennes carrières qui n'ont pas été remblayées par des déchets qui datent d'une centaine d'années, dont certaines exploitations se sont arrêtées il y a 70-80 ans, qui effectivement sont devenues, sont revenues à la vie sauvage.
Comme il y a des trous, des galeries, la prédation pour urbaniser est plutôt faible et en fait on arrive parfois à des milieux naturels d'exception, les plus beaux milieux naturels du nord de la Seine-et-Marne, ce sont des anciennes carrières, ce sont des anciennes carrières de platres. Mais il n'y a pas de déchets dedans, elles n'ont pas été comblées par des déchets.
Par contre toutes les nouvelles carrières, elles se transforment après en décharges de déchets dits inertes, mais il y a quand même des déchets de temps en temps.
Et en plus l'exploitant gagne de l'argent en creusant le trou et il gagne de l'argent en remplissant le trou. C'est tous les déchets du Grand Paris notamment qui sont en train d'aller dans ces carrières-là. Là tous les travaux du Grand Paris qu'on voit là, toutes les terres d'excavation, elles vont où ? Elles vont dans ces carrières-là, elles vont combler les trous. Les plus de 50 millions de mètres cubes du chantier du Grand Paris, elles vont combler les fosses des anciennes carrières de platres.
Pour faire une piste de VTT pour les Jeux Olympiques dans les Yvelines ?
Je ne connais pas tous les dossiers.
[Note : En effet, la piste de VTT pour les Jeux Olympiques Paris 2024 est installée sur la colline d'Élancourt (Yvelines) qui est une colline artificielle de déchets alimentée par les déblais des excavations et les déchets, la terre, les gravats des travaux d'aménagement de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines et également des activités de casse automobile, selon Wikipédia].
Pourquoi et comment se battre encore, donc en 2024, contre les projets de destruction de zones naturelles ? Quels sont les moyens d'action ? Pour ceux qui nous écoutent, qu'est-ce qu'on peut faire à notre niveau ? Quel collectif rejoindre ? Quels moyens d'action, de pression qu'on soit derrière un ordinateur ou sur place, en allant se battre ? Est-ce qu'il faut tous qu'on rejoigne les soulèvements de la terre ou des associations locales ?
Avant de répondre à cette question à tiroir, je pense que pour tout militant, il est important de se poser la question de savoir pourquoi on se bat, en fait.
Est-ce qu'on se bat pour notre égo, notre image, l'image qu'on donne au monde ? Ou est-ce qu'on se bat par amour, en fait ? Je répète, quand on aime le vivant, quand on s'extasie devant un renard qui passe, quand on s'extasie devant un hérisson qui passe, une orchidée sauvage, une fleur, n'importe laquelle, qu'on passe, qu'on voit le petit massif d'orties et qu'on mange la petite ortie fraîche après l'avoir froissée, quand on aime un milieu, et bien on le préserve.
Quand on aime, on le préserve. Quand on aime, on le soigne, au même titre qu'on va s'occuper de sa famille, de s'occuper de ses parents, de s'occuper de ses amis, c'est pareil.
Donc déjà, savoir où vient l'énergie. Parce que l'énergie, c'est l'ego, etc, ce sont des combats qui sont tellement difficiles, avec des probabilités de gagner qui sont faibles, c'est pas le bon motif, quoi.
Le motif, c'est qu'on aime, et on se bat pour ce qu'on aime. On aime un milieu naturel, parce que c'est chez nous. C'est pour ça que pour moi, d'abord, avant d'aller militer, militons localement.
Il y a des milieux naturels, là, qui sont en danger partout en Ile-de-France, partout.
Donc déjà, si on se bat localement, pour les endroits qu'on aime, là déjà, on est quand même dans une forme de pureté du combat.
Parce que si vous vous amusez à militer avec les grandes ONG, WWF, etc., ... les grandes ONG sont tellement loin du terrain, que moi, à titre personnel, j'ai pas dépensé une seule seconde de ma vie dans des grandes ONG comme ça. Parce que je les trouve déconnectées, en fait, du terrain et de la réalité. Les grandes fédérations, c'est pareil.
Si j'ai un conseil qui est un conseil qui m'est personnel, j'espère ne pas dire de mal à ces grands organismes et ne pas les avoir après sur le dos, j'ai déjà eu assez de gens sur le dos comme ça dans ma vie, c'est de se rapprocher des associations locales, ou voir des fédérations locales, ou voir d'agir en tant qu'individus propres. Ou en en créant soi-même, ou en voyant avec les voisins, un beau milieu naturel qui va disparaître là, à côté de chez vous, que vous aimez, regroupez-vous par rapport à ce que vous aimez. C'est ça qui est important.
Sur les dossiers qu'on a menés, on s'est rendu compte que dans les grandes fédérations, parce que les associations de protection de l'environnement, notamment, il y en a qui sont départementales, après il y a une fédération régionale, donc il y a une association régionale qui chapote les associations départementales, et après il y a les associations régionales qui sont chapotées par France Nature Environnement.
Nous, sur certains dossiers, dont le Fort de Vaujours, on n'a jamais eu le soutien de France Nature Environnement, on n'a jamais eu le soutien d'Ile-de-France Environnement.
Dans Ile-de-France Environnement, il y a eu, à certaines époques, des gens qui ont siégé à la Fondation Placoplatre. Donc on se rend compte que tous ces grands organismes sont… il peut y avoir, dans ces grands groupes, dans ces grandes ONG, des chaises musicales.
Elles sont vérolées par ces industriels ?
Elles sont par des politiques déguisées, par des industriels déguisés, par tout. Parce que là, c'est le pouvoir qui compte.
Eux, ils ne sont pas là par amour, ils sont là parce qu'ils veulent être importants, ils veulent discuter avec le préfet, ils veulent rencontrer le ministre, ils veulent se sentir exister en fait. Quand on porte les projets par l'ego, et que c'est l'ego qui compte, ce n'est plus la cause qui compte, donc quand ce n'est plus la cause qui compte, c'est la porte ouverte à tout.
J'ai personnellement vu trop de choses en presque 20 ans de militantisme pour faire confiance aux grandes ONG.
Quand on est animé par ça, et qu'on évite de dire « voilà, je vais aller dans une grande ONG pour aller distribuer des tracts », ça ne sert à rien.
Où il manque des forces, c'est dans la mobilisation locale. Si j'ai un message à donner, c'est investissez-vous dans les combats locaux, des endroits autour des problématiques et des combats locaux, et au niveau des problématiques qui vous concernent directement.
Et les associations locales, il y a très peu de gens, en fait.
Parce que tous ces grands organismes, déconnectés du local, voire même déconnectés de leurs propres missions, en fait, ils court-circuitent les forces vivent.
Venez vous battre localement, venez faire des vrais combats locaux, et là, le combat, avec cette dynamique de l'amour, c'est là qu'il faut aller.