Accélération de la soutenabilité verte
Newsletters > n°10 envoyée le 03/02/2022
La newsletter green, super green
Bonjour les cryptos-sceptiques. Comme il est de coutume, nous vous souhaitons une très bonne année sous le signe de la sobriété ! Et veuillez nous pardonner pour cette newsletter qui n’aide pas forcément à la sobriété, qui alimente l’infobésité et vous noie d’informations, qu'on espère pertinentes !
Au sommaire du 10è numéro de cette newsletter collaborative, fruit d’une veille collective de la communauté Techologie : souveraineté numérique, GAFAM, l'entretien avec 2022 (oui), Amazon qui accèlere sur la soutenabilité verte (et oui), les métaux et les métavers.
1024 nuances de green
Des choses intéressantes entendues à la table ronde "Géopolitique du numérique" organisée par l'Institut Rousseau, le Vent du changement et Le vent se lève, le 15 janvier.
Pour Ophélie Coelho, chercheuse indépendante spécialiste des enjeux de géopolitique du numérique, aborder le concept de souveraineté numérique nécessite d'abord de prendre en considération les interdépendances entre acteurs techniques et industriels. Celles-ci concernent tout autant la chaîne de fabrication des réseaux physiques, les infrastructures de stockage et la couche logicielle que les terminaux qui rendent possible notre vie numérique. Parfois, les dépendances touchent au territoire : les pays enclavés comme la Suisse ou le Burkina Faso dépendent des pays frontaliers pour leur accès aux câbles sous-marins; les territoires européens riches en eau ou ayant accès à la mer du nord, comme la France ou la Finlande, sont des lieux favorables à l'installation de nouveaux serveurs... Malheureusement, l'écosystème fait face à de très grandes disparités de pouvoirs et de dépendances : l'essentiel du trafic internet mondial passe par les centres de données loués ou appartenant aux Big techs, qui investissent également dans les infrastructures physiques tels que les câbles sous-marins. En tant que simples clients de plateforme, nous ne parvenons pas à les réguler par le droit, et restons soumis à ces acteurs devenus très puissants, qui peuvent peser sur notre capacité d'autodétermination. Ainsi, plutôt que de rester sur une logique unique de régulation fondamentalement basée sur le principe de confiance, l'enjeu crucial est de mieux gérer nos dépendances en mettant en place une réelle stratégie dédiée à la maîtrise des technologies clefs.
Selon Clotilde Bômont, chercheure au centre de recherche et de formation GEODE et doctorante à l’Université Panthéon-Sorbonne, il n'y a pas de définition neutre pour la souveraineté numérique. Cela ne peut être qu'une définition qui s'intéresse à plusieurs facteurs :
- stratégique : s'affirmer sur la scène internationale ;
- économique : l'Europe n'en profite pas. Les données ne profitent qu'aux géants du web américains. Rien d'anecdotique, l'argent qu'aspire les GAFAM en Europe sans retour fiscal permet aujourd'hui de manière indirecte de financer les retraites américaines.
- éthique, civique et moral : influence des Big Tech, les États devenant des "colonies numériques".
Pour Tariq Krim, entrepreneur pionnier du web français et initiateur du mouvement "slow web", le problème en France dure depuis des décennies et se résume par l'incompétence des dirigeants français, nourris aux benchmarks des cabinets de conseil, sans jamais de réelle stratégie numérique. Pire encore, il y a une attirance exclusive et malsaine pour tout ce qui brille. Et donc tout ce qui vient des États-Unis. Exemple marquant, la réception en 2019 par Macron de Zuckerberg , comme un chef d'Etat pour une réunion... "Tech for good".
Aujourd'hui, quand on parle de souveraineté numérique, on pense plus souvent au cloud qui est d'abord du logiciel et non pas du matériel comme on aurait tort de le penser. Lorsque le logiciel est rôdé, il devient aisé de le vendre et les services qui vont avec.
Sorti en mai 2021 et annoncé en grande pompe par le Gouvernement, le "Cloud de confiance", est un label pour adopter les solutions de cloud américaines avec des gardes-fous minimum : un gestionnaire de compte français (ne riez pas !). Un des projets emblématiques sur ces questions de souveraineté c'est bien sûr le Health Data Hub, la base de données agrégeant des données pseudonymisées de santé des français à des fins de recherche et propulsé par des solutions Microsoft Azure.
Contrairement à ce qui "est vendu", cette dépendance aux GAFAM est non réversible. C'est un acte manqué de financer les acteurs français ou européens. On ne donne ni le temps, ni les moyens aux acteurs européens de mettre en place des solutions souveraines. De plus, les acteurs choisis pour implémenter un Cloud souverain sont à chaque tentative, des grands groupes qui n'y connaissent rien alors que de petits acteurs compétents et même spécialistes du sujet sont snobés. Sans compter que les grands groupes attirent dans leur rang les meilleurs ingénieurs, débauchés aux PME ce qui génère une déstabilisation du marché de l'emploi. Qu'est devenu le "Cloud souverain" d'Orange et SFR subventionné par de l'argent public ? Revendu à Huawei et Red Hat.
Pour Jean-Paul Smets, co-fondateur de l’alliance Euclidia, un autre problème est que les grands groupes notamment français ne jurent que par les solutions des GAFAM : elles ne demandent qu'exclusivement du GCP (Google), de l'AWS (Amazon) ou de l'Azure (Microsoft). Le choix des systèmes d'exploitation et logiciels libres parait encore dans ce contexte comme un acte militant.
Enfin, un problème majeur de souveraineté numérique est dans la non-maîtrise des technologies. On forme de moins en moins d'ingénieurs et de plus en plus de techniciens de plateforme. En devenant des spécialistes des technologies créées par les GAFAM, les développeurs clouds, mais aussi toute une catégorie de métiers du webmarketing, deviennent à leur tour dépendants de ces entreprises pour leur accès au marché du travail.
Le replay de cette table-ronde est disponible sur youtube.
L'entretien
Entretien exclusif avec l'année 2022 (et pourquoi pas ?), qui a bien voulu nous donner son avis sur son année.
Bonne année 2022, année 2022 ! Que nous réserves-tu cette année, année 2022 ?
Après deux ans de pandémie, j’aurais aimé vous dire que c’est la fin, j’en sais foutrement rien, déso. Cependant, on va vivre une belle année sportive marquée par deux grands évènements mondiaux : les jeux olympiques d'hiver à Pékin avec 100% de neige artificielle et la coupe du monde de football au Qatar avec 100% de stades climatisés. Belle démonstration de résilience de l'être humain pour dire au changement climatique d'aller se faire voir ailleurs. Bon ça aurait pu être pire. Imaginez que le tennis soit une discipline des JO d'hiver avec des joueuses qui disparaissent. Ou bien que la coupe du monde de football féminin soit jouée dans un pays salafiste !
Tu te lâches 2022 là ! Et du côté du numérique, que peut-on attendre en 2022 ?
Sur les impacts environnementaux du numérique, les pseudos-scientifiques continueront à faire des calculs en coin de table et à vociférer sur Twitter. À part ça tout va bien. Tout le monde n’a d’z’yeux que pour les métavers, le web3 et les NFT. Mais personne ne voit venir le grand retour des lunettes connectées et des walkmans cassettes. Une re-révolution vintage qui viendra des influenceurs en toque et TikTok installés à Dubai, donc au plus près des tendances et des modes du futur. Les enjeux écologiques seront aussi au rendez-vous cette année. Des milliards de dollars en équivalent Bitcoin seront investis dans les solutions for the planet, par exemple dans la décarbonation des écrans numériques publicitaires des grands aéroports. Je suis quand même assez sereine sur la question des métavers. Comme sur Chatroulette ou dans les visioconfs des décideurs politiques : y'aura toujours un qui montrera son phallus ou une vidéo porno. Bref, le métavers sera surtout méga-pervers.
Un peu taquine là ?
Non mais franchement ça démarre mal. Surtout en France. Une campagne présidentielle moribonde avec les sujets climat et environnement aux abonnés absents, on est passé d'un climato-scepticisme ambiant à un climato-négationnisme qui nous mène droit dans le mur (effet Don't look up ?), une primaire populaire censée faire l'union qui n'a rien de populaire et qui alimente la désunion, on s'occupe mal de nos vieux, un virus qui lâche pas l'affaire... Alors bon, imaginez que dans les livres d'histoire du futur, ils raconteront que les occidentaux s'amusaient avec des NFT et des cryptomonnaies dans les métavers quand tout s'est effondré.
Greenwashing, greenwashing, you rince it 3 times, you smell, it smells like a flower
Amazon lance son « Launchpad Sustainability Accelerator », un programme de 12 semaines de soutien à des jeunes start-up qui « conçoivent des produits durables ». Il ne s'agit pas d'un programme de sobriété, bien évidemment, mais comme son nom l'indique, on appuie bien sur la pédale d'accélérateur : « les fondateurs de start-up devront avoir pour ambition de s'appuyer sur l'e-commerce (comprendre : Amazon) pour dynamiser la croissance de leurs produits et s'engager à créer et à développer leur activité en tenant compte de son impact environnemental ». La planète est sauvée. Jeff Bezos peut continuer à s'envoyer en l'air, la conscience tranquille.
À ne pas manquer
Clément Jeanneau dans sa newsletter « Nourritures terrestres » livre une analyse / retranscription intéressante autour des métaux nécessaires aux transitions numérique et énergétiques. Il y a la retranscription de l'intervention d'Aurore Stéphant, ingénieure géologue minier invitée chez Thinkerview. Mais aussi une conférence de José Halloy, professeur de physique à l'Université de Paris et chercheur au Laboratoire Interdisciplinaire des Énergies de Demain. Extraits : « En réalité, l'essentiel des technologies que nous utilisons aujourd’hui sont des « technologies zombies » : ce sont des morts-vivants. Elles continuent d'envahir le monde au détriment de l'humanité mais elles sont déjà mortes en termes de soutenabilité ». Ou bien encore : « La question des choix techniques et technologiques est capitale pour l’avenir de l’humanité car elle induit un verrouillage de nos infrastructures et un chemin de dépendance socio-économique. Il faudrait donc penser la technologie sur une échelle de temps qui dépasse le XXIème siècle ».
Avant de se quitter
- Conception pour appareils obsolètes l'épisode 62 de Techologie avec Anaëlle Beignon
- Il est peu probable de voir construire de nouveaux centres de données dans la région de Dublin, en Irlande, au moins jusqu'en 2028 par crainte du black-out. Les datacenters consomment actuellement 10% de l'électricité du pays et mettent en péril ses objectifs de décarbonation énergétique.
- Explications sur l'empreinte carbone du streaming et du transfert de données, par Gauthier Roussilhe.
- Evaluation ADEME de l'impact environnemental d'un ensemble de produits reconditionnés : le smartphone.
- Empreinte environnementale du numérique en France : l’ADEME et l’Arcep remettent leur premier rapport au Gouvernement.
- Empreinte carbone d'un e-mail : mythes, réalités et solutions
- Une enquête révèle que les développeurs ne sont absolument pas intéressés par les cryptomonnaies ou les NFT et se disent "stupéfaits" par l'intérêt pour ces technologies..
- Cela aurait pu être sur le Gorafi : discussion entre Cédric O, Jean-Michel Jarre et Luc Julia sur le métavers et les défis qu’il pose. Innovation, création, souveraineté.
- On trouve de beaux articles et même des "futurs spéculatifs" (spoiler: sombres) au sujet des métavers chez le lab de la Cnil
- Premier magasin Carrefour dans le #metavers. Mais pourquoi faire ? Point d'interrogation général.
- Comment réagirions-nous face à la mise en place de quotas ? Quelles seraient les conséquences d'une plus grande transparence écologique des entreprises ? C'est dans Climatopie
- Opération "Osez changer" de l'ADEME : 21 foyers français désencombrent leur logement, vers une consommation plus sobre et plus responsable, où l'on apprend qu'en matière d'objets, de vêtements ou d'électroniques, on sous-estime leur nombre dans nos foyers, que les femmes sont principalement mise à contribution pour gérer le désencombrement (coucou la charge mentale) et qu'il y a des effets rebond (maudits effets rebond) à vivre d'une vie matérielle plus sobre.
Enfin, une bonne nouvelle, la communauté Techologie migre avec succès de slaque vers framateam propulsé par l'outil libre et open source Mattermost (https://framateam.org/techologie/). Rejoignez-nous !
Prenez soin de vous et de vos futurs déchets électriques et électroniques et à très vite !
N'imprimez cet e-mail qu'en noir et blanc, recto-verso, sans marge et sur du papier recyclé labellisé. Non, bon, laissez tomber, n'imprimez pas cet e-mail.